¬Elections du CSE et parité femme/homme : conséquences de l’annulation de l’élection d’un.e élu.e mal positionné.e (Cass. Soc., 11 sept. 2024, n°23-60.107 ; F-B)

La Cour de cassation a jugé que les dispositions du Code du travail, permettant au juge de rectifier l’attribution erronée des sièges à l’issue du scrutin, ne s’appliquent pas en cas de vacances consécutive à l’annulation de l’élection d’un salarié, sanctionnant le non-respect des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes. Cette décision expose les CSE à un risque d’impossibilité de replacement du siège laissé vacant.

Quelques rappels :

I.      La composition des listes électorales doit respecter une représentation équilibrée entre hommes et femmes

  1. Les listes électorales comportent, en principe alternativement, des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d’hommes dans le collège électoral concerné[1] .
  • A titre d’exemple, si 5 sièges sont à pourvoir dans un collège comportant 175 hommes (63,87%) et 99 femmes (36,13 %) :

 

  • une liste de 5 candidat pourra comporter 3 hommes (5 candidat * 63,87% = 3,19 candidats, arrondi à 3) et 2 femmes (5 candidats * 36,13% = 1,81 candidat, arrondi à 2)
  • une liste de 4 candidats pourra comporter 3 hommes (4 candidats * 63,87% = 2,55 candidats, arrondi à 3) et 1 femme (4 candidats * 36,13% = 1,44 candidat, arrondi à 2)[2]
  1. Cette exigence est d’ordre public absolu, ce qui signifie qu’un syndicat est recevable à contester l’élection des candidats figurants sur les listes ne la respectant pas, peu important à cet égard les dispositions du protocole préélectoral, même signé à l’unanimité[3].
  2. Certaines situations empêchent la stricte mise en œuvre de ce principe, de sorte qu’il convient, par exception et par exemple, d’écarter cette règle de parité si l’un des sexes est ultra minoritaire[4]

II.  Quelles sanctions en cas de non-respect, et quels pouvoirs du juge ?

  • Une liste ne respectant pas la parité peut entraîner l’annulation de l’élection

Le juge peut être saisi avant, ou après l’élection. Dans cette dernière hypothèse, la sanction varie selon l’irrégularité constatée.

Lorsque le juge constate un non-respect par une liste de candidats de la règle de l’alternance de femmes et d’hommes, cela entraîne en principe l’annulation de l’élection de tout élu mal positionné [5] et [6].

  • Mais le juge ne peut pas rectifier l’attribution erronée des sièges
  1. Se pose alors la question de savoir si le juge peut rectifier de lui-même les résultats après avoir annulé l’élection d’un candidat dont la liste ne respecte pas les règles de représentation équilibrée femmes-hommes.

Dans l’arrêt commenté, la Cour régulatrice répond par la négative.

  1. Dans cette affaire, un syndicat présente 2 femmes et 1 homme sur sa liste pour l’élection au premier collège du CSE où 3 sièges sont à pourvoir. La candidate femme positionnée en première position sur cette liste est élue.

Or, les femmes ne représentant que 15,9 % des effectifs du collège en cause, elles sont en position ultra minoritaire.

  1. Dans une telle situation, les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe ultra minoritaire mais ce candidat ne peut pas être en première position sur la liste[7], de sorte que, pour présenter une femme dans cette configuration, il convient de la positionner en 2ème ou 3ème place sur la liste de 3.

À l’issue de l’élection, le tribunal judiciaire a donc été saisi par un autre syndicat :

  • d’une part, afin d’obtenir l’annulation de l’élection de cette candidate ;
  • d’autre part, d’attribuer son siège au candidat tête de liste de son syndicat, et de proclamer les résultats ainsi rectifiés.
  1. Le Tribunal annule l’élection de la candidate mais refuse d’attribuer le siège devenu vacant, les dispositions légales ne prévoyant pas cette possibilité pour le juge.

Le syndicat conteste en s’appuyant sur les règles relatives aux élections professionnelles :

  • l’article R 2314-20 du Code du travail prévoit que, lorsqu’il reste des sièges à pourvoir, ces sièges restants sont attribués sur la base de la plus forte moyenne et le premier siège non pourvu est attribué à la liste ayant la plus forte moyenne. C’est le cas du syndicat demandeur, ce siège devrait donc lui être attribué ;
  • s’agissant d’une attribution erronée du siège en cause, c’est au juge de proclamer les résultats par application des règles du droit électoral.
  1. Cependant, la Cour de cassation valide la lecture du Tribunal judiciaire.

Pour justifier sa position, la Cour :

  • rappelle les règles[8] relatives à la sanction ad hoc applicable en cas de non-respect des règles de représentation équilibrée, à savoir l’annulation de l’élection du ou des élus dont le positionnement ne respecte pas les règles de représentation équilibrée femmes-hommes ;

 

  • décide que les dispositions des articles R 2314-19 à R 2314-21 du Code du travail, permettant au juge de rectifier l’attribution erronée des sièges à l’issue du scrutin, ne s’appliquent pas en cas de vacance consécutive à l’annulation de l’élection d’un salarié en application de l’article L 2314-32 du Code du travail sanctionnant le non-respect des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes imposées par l’article L 2314-30 du même Code.

 

  • Dès lors, seules les élections partielles peuvent compléter la délégation élue du CSE

La Cour de cassation rappelle également que le Code du travail[9] renvoie à l’organisation d’élections partielles en pareille hypothèse[10], lesquelles sont organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel au CSE est réduit de moitié ou plus (sauf si ces événements interviennent moins de 6 mois avant le terme du mandat des membres du CSE).

Cette décision fait courir le risque d’impossibilité de remplacement du siège vacant si les conditions des élections partielles ne sont pas réunies, d’autant plus que les règles de suppléance ne s’appliquent pas dans ce cas[11].

Dans une telle situation, le siège reste donc vacant, ce qui ne semble pas être une solution réellement satisfaisante.

Il ne reste qu’à espérer une intervention du législateur, qui pourrait revenir sur cette impossibilité de recourir à la suppléance (en complétant la liste des cas justifiant l’application des règles de la suppléance, de la perte d’un mandat par annulation de l’élection d’un candidat appartenant au genre surreprésenté).

[1] L2314-30, al. 1 du Code du travail

[2] Cass. Soc., 17 avril 2019, n°17-26.724, FS-PB

[3] Cass. Soc. 9 mai 2018, n°17-60.133 P ; 11 décembre 2019, n°19-10.826, P

[4] Cass. Soc. 11 déc. 2019, n°18-26.568, 27 mai 2020, n°19-14.225

[5] L 2314-32, al. 4, Code du travail

[6] Sauf si la liste correspond à la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné et si tous les candidats de la liste ont été élus (Cass. soc. 9 mai 2018 n° 17-60.133 FS-PB)

[7] L 2314-30, al.6 du Code du travail

[8] L 2314-32, alinéa 4 du Code du travail

[9] L 2314-32, alinéa 5 du Code du travail

[10] L 2314-10 du Code du travail

[11] Cass. soc. 22-9-2021 n° 20-16.859 F-B

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