Congés payés et arrêt maladie
3 juillet 2024
Des exemples diffusés par l’administration qui répondent à certaines questions pratiques.
La loi n°2024-364 du 22 avril 2024 est venue mettre en conformité le Code du travail avec le droit européen suite aux arrêts du 13 septembre 2023 (cf. notre actualité du mois d’avril sur le sujet pour un rappel des règles applicables).
Ces nouvelles règles légales sur l’acquisition de droit à congés payés pendant un arrêt maladie et sur la prise de ces congés posent toutefois de nombreuses questions en pratique sur lesquelles il convient de revenir.
À ce titre, l’administration a diffusé – sans toutefois publier de questions/réponses – quelques exemples (et infographies) afin de mieux comprendre notamment la question du report et de la prise des congés.
1. Quelques rappels utiles
Pour une meilleure compréhension des développements qui suivent, il convient de rappeler que les exemples diffusés par l’administration sont tous construits sur les postulats suivants1 :
- Une période d’acquisition des congés payés allant du 1er juin N-1 au 31 mai N ;
- Une période de prise des congés payés allant du 1er mai N au 30 avril N+1 ;
En outre, et en pratique, les entreprises devront tenir compte des règles d’équivalence prévues par le Code du travail pour la détermination de la durée des congés payés2.
Dans ce cadre, sont assimilés à 1 mois de travail effectif :
- 4 semaines de travail ;
- 20 jours de travail (si l’horaire hebdomadaire est réparti sur 5 jours) ;
- 22 jours de travail (si l’horaire hebdomadaire est réparti sur 5,5 jours) ;
- 24 jours de travail (si l’horaire hebdomadaire est réparti sur 6 jours).
Dès lors, toute absence inférieure ou égale à ces durées n’aura aucune incidence sur la durée du congé.
Exemple :
Un salarié, qui travaille 5 jours par semaine, a été placé en arrêt maladie pendant 3 jours, du 10 au 12 janvier 2024 inclus. Malgré cette absence, il a travaillé 20 jours ouvrés au cours du mois. Dès lors, il acquiert la totalité de ses congés payés sur ce mois.
Enfin, les exemples donnés par l’administration ne sont que des illustrations, de sorte qu’ils ne peuvent constituer une base de paramétrage des logiciels de paie des entreprises.
2. Des exemples de calcul des congés payés du salarié en cas d’arrêt maladie
a) En cas de maladie non-professionnelle
Dans ce cas, le salarié acquiert 2 jours ouvrables de congés par mois d’absence, soit au maximum 24 jours ouvrables s’il a été absent sur l’intégralité de la période d’acquisition.
- Cas d’un arrêt maladie de deux mois : du 1er août 2024 au 30 septembre 2024
- Période d’acquisition : du 1er juin 2024 au 31 mai 2025
- Calcul des CP acquis sur cette période :
– Du 1er juin 2024 au 31 juillet 2024 : 2 x 2.5 jours = 5 jours
– Du 1er août 2024 au 30 septembre 2024 (maladie) : 2 x 2 jours = 4 jours
– Du 1er octobre 2024 au 31 mai 2025 : 8 x 2.5 jours = 20 jours
Soit un total de 29 jours.
Il convient ici de relever que deux règles de calcul des congés payés sur une même période d’acquisition sont donc applicables (2 jours ouvrables de congés payés en cas d’arrêt de travail d’origine non professionnelle vs 2,5 jours ouvrables en période d’activité).
Notez également que les conditions d’application rétroactives de la loi – qui prévoient que les congés supplémentaires, acquis entre le 1er décembre 2009 et l’entrée en vigueur de la loi, ne pourront pas excéder le nombre de jours permettant au salarié de bénéficier de 24 jours ouvrables de congés, par période de référence, après prise en compte des jours déjà acquis, pour la même période – ne s’appliquent toutefois pas aux salariés malades sur une période postérieure à l’entrée en vigueur de la loi, de sorte que ces derniers pourront acquérir plus de 24 jours ouvrables, comme le confirme l’exemple qui est donné par l’administration.
b) En cas de maladie professionnelle ou accident du travail
Dans ce cas, le salarié malade acquiert 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois d’absence.
Le Code du travail permettait auparavant à ces salariés d’acquérir des congés payés, dans la limite d’une durée ininterrompue de 1 an, mais cette limite a été supprimée par la loi3.
Désormais, le salarié continue d’acquérir des congés payés même si son arrêt de travail se prolonge au-delà de 1 an, de sorte que dans l’exemple précédemment donné, en cas d’arrêt de travail d’une durée de deux mois, la nouvelle réforme n’aura pas d’incidence pour l’entreprise.
L’impact se fera au contraire ressentir dans le cas des arrêts de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail supérieur à un an qui seront désormais pris en compte pour le calcul des congés payés.
3. Des exemples de report des congés payés non pris du fait d’un arrêt de travail
Pour rappel, si le salarié n’a pu prendre tout ou partie de ses congés au cours de la période de prise de congés en cours au moment de son arrêt de travail, en raison de sa maladie, professionnelle ou non, il bénéficie d’un report de 15 mois maximum4.
A défaut de précisions des textes, il convient selon nous de considérer que les congés payés qui pourront être reportés sont non seulement les congés acquis pendant la suspension du contrat de travail mais, sauf dispositions textuelles contraires, aussi les jours de congés payés acquis à un autre titre (liés au temps de travail effectif ou temps assimilés), qui n’ont pu être pris en raison de l’arrêt maladie.
Le point de départ du report est toutefois différent selon les situations :
a) Report des congés en cas de maladie de moins d’un an
Dans le cas du salarié qui reprend son travail avant 1 an, la période de report débute à la date à laquelle le salarié reçoit les informations sur ses droits, telles que le prévoient les nouvelles règles5 (cf. notre actualité du mois d’avril sur le sujet).
L’administration propose ici deux exemples :
> Cas d’un arrêt maladie du 1er janvier au 1er avril 2025 : le salarié revient dans l’entreprise le 2 avril 2025 et l’employeur l’informe sur ses droits le 15 avril 2025
- Périodes de prise de congés :
– Du 1er mai 2024 au 30 avril 2025 pour les congés acquis entre le 1er juin 2023 et le 31 mai 2024 ;
– Du 1er mai 2025 au 30 avril 2026 pour les congés acquis entre le 1er juin 2024 et le 31 mai 2025.
- Report de CP possible pour :
– Le solde des CP acquis entre le 1er juin 2023 et le 31 Mai 2024 : jusqu’au 15 juillet 2026 (période de 15 mois débutant à compter du 15 avril 2025), si le salarié est dans l’impossibilité de poser ses congés avant le 30 avril 2025.
– Pas de report possible pour les CP acquis entre le 1er juin 2024 et le 31 mai 2025 dans la mesure où la reprise du travail (2 avril 2025) intervient avant le début de la période de prise de ses congés (1er mai 2025 au 30 avril 2026).
> Cas d’un arrêt maladie du 1er décembre 2024 au 30 avril 2025 : le salarié revient dans l’entreprise le 1er mai 2025 et l’employeur l’informe sur ses droits le 15 mai 2025
- Périodes de prise de congés identiques au premier exemple.
- Report de CP possible pour le solde des CP acquis entre le 1er juin 2023 et le 31 mai 2024 : jusqu’au 15 août 2026 (période de 15 mois débutant à compter du 15 mai 2025).
- Pas de report possible pour les CP acquis entre le 1er juin 2024 et le 31 mai 2025 dans la mesure où la période de prise commence à peine (1er mai 2025 au 30 avril 2026), de sorte que le salarié sera en mesure de prendre ses congés acquis sur cette période.
b) Report des congés en cas de maladie de plus d’un an : le salarié revient avant la fin du report
Pour rappel, une règle dérogatoire est prévue en cas d’arrêt maladie d’une durée égale ou supérieure à 1 an qui prévoit que le point de départ du report est la date de la fin de la période d’acquisition des congés payés. Plus précisément, c’est la date de fin de la période d’acquisition au titre de laquelle les congés ont été acquis si, à cette date, le salarié est toujours en arrêt de travail.
C’est donc le 1er jour de la période de référence suivante, soit le 1er juin de l’année N+1 (pour une période légale d’acquisition du 1er juin au 31 mai de l’année N).
Si, lors de la reprise du travail, la période de report n’a pas expiré, cette période est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations de l’employeur6.
Ici encore, l’administration nous donne un exemple :
> Cas d’un arrêt maladie du 1er février 2024 au 30 septembre 2025 : le salarié revient dans l’entreprise le 1er octobre 2025 et l’employeur l’informe sur ses droits le 15 octobre 2025
- Congés payés acquis :
– CP acquis sur la période 1er juin 2023 au 31 mai 2024 pour une prise du 1er mai 2024 au 30 avril 2025 ;
– CP acquis sur la période 1er juin 2024 au 31 mai 2025 pour une prise du 1er mai 2025 au 30 avril 2026 ;
– CP acquis sur la période 1er juin 2025 au 31 mai 2026 pour une prise du 1er mai 2026 au 30 avril 2027.
- Report de CP possible pour :
– Le solde non pris des CP acquis du 1er juin 2023 au 31 mai 2024 : au terme de la période d’acquisition (31 mai 2024), le salarié est en arrêt maladie depuis moins d’un an, de sorte que la période de report de 15 mois commence à compter de l’information du salarié, soit le 15 octobre 2025, et expirera le 15 janvier 2028 ;
– Les CP acquis du 1er juin 2024 au 31 mai 2025 : au terme de la période d’acquisition (31 mai 2025), le salarié est en arrêt maladie depuis plus d’un an, de sorte que :
– La période de report de 15 mois s’étend du 31 mai 2025 au 31 août 2026 ;
– La période de report sera suspendue puisque le salarié ayant repris le travail le 1er octobre 2025, 4 mois seulement de report se sont écoulés depuis le 31 mai 2025 ;
– Le solde restant de report de 11 mois recommencera à courir le 15 octobre 2025 (jour de l’information au salarié) et expirera le 15 septembre 2026.
– Pas de report possible pour les CP acquis du 1er juin 2025 au 31 mai 2026 dans la mesure où ils pourront être pris du 1er mai 2026 au 30 avril 2027 ; le salarié ayant repris le travail au 1er octobre 2025.
c) Report des congés en cas de maladie de plus d’un an : le salarié revient après la fin du report
Pour rappel, si le salarié ne reprend pas le travail avant le terme de la période de report de CP acquis sur une période durant laquelle le salarié a été tout le temps en arrêt de travail, ces CP sont perdus, sans que l’employeur n’ait été obligé d’en informer le salarié.
> Cas d’un arrêt maladie du 1er février 2024 au 30 septembre 2026 : le salarié revient dans l’entreprise le 1er octobre 2026 et l’employeur l’informe de ses droits à cette même date
- Congés payés acquis :
– CP acquis sur la période du 1er juin 2023 au 31 mai 2024 pour une prise du 1er mai 2024 au 30 avril 2025 ;
– CP acquis sur la période du 1er juin 2024 au 31 mai 2025 pour une prise du 1er mai 2025 au 30 avril 2026 ;
– CP acquis sur la période du 1er juin 2025 au 31 mai 2026 pour une prise du 1er mai 2026 au 30 avril 2027 ;
– CP acquis sur la période du 1er juin 2026 au 31 mai 2027 pour une prise du 1er mai 2027 au 30 avril 2028.
- Report de CP possible pour :
– Le solde non pris des CP acquis du 1er juin 2023 au 31 mai 2024 : au terme de la période d’acquisition (31 mai 2024), le salarié est en arrêt maladie depuis moins d’un an, de sorte que la période de report de 15 mois commence à compter de l’information du salarié, soit le 1er octobre 2026, et expirera le 1er janvier 2028 ;
– Les CP acquis du 1er juin 2024 au 31 mai 2025 : au terme de la période d’acquisition (31 mai 2025), le salarié est en arrêt maladie depuis plus d’un an, de sorte que la période de report expire le 31 mai 2026. Or, le salarié ne reprend le travail que le 1er octobre 2026, de sorte que le salarié va perdre ses droits à CP acquis sur cette période.
– Les CP acquis du 1er juin 2025 au 31 mai 2026 : au terme de la période d’acquisition (31 mai 2026), le salarié est en arrêt maladie depuis plus d’un an, de sorte que :
– La période de report s’étend du 31 mai 2026 au 31 août 2027 ;
– La période de report sera suspendue puisque le salarié ayant repris le travail le 1er octobre 2026, 4 mois seulement de report se sont écoulés depuis le 31 mai 2026 ;
– Le solde restant de report de 11 mois recommencera à courir le 1er octobre 2026 (jour de l’information au salarié) et expirera le 1er septembre 2027.
- Pas de report possible pour les CP acquis du 1er juin 2026 au 31 mai 2027 dans la mesure où ils pourront être pris du 1er mai 2027 au 30 avril 2028 ; le salarié ayant repris le travail au 1er octobre 2026.
Vous l’aurez compris, dans le cas d’un arrêt maladie d’une durée au moins égale à un an, la période de report peut donc démarrer et expirer, alors que le salarié est encore absent. Cette règle permet d’éviter un cumul illimité des droits à congé dans le cadre des arrêts longue maladie, couvrant plusieurs périodes de référence consécutives.
En clair, même si certains paramétrages collectifs pourront être très certainement mis en place, il conviendra de rester particulièrement vigilant sur le calcul et le décompte des congés payés, ainsi que sur le report applicable, qui seront toutefois propres à chaque situation.
1 – C.trav. art. R.3141-4
2 – C.trav. art. L.3141-4
3 – C.trav. art. L.3141-5, 5°
4 – C.trav. art. L.3141-19-1, créé
5 – C.trav. art. L.3141-19-3, créé
6 – trav. art. L.3141-19-2, créé