La communication du dossier médical par les professionnels de santé

Écrit le
31 mars 2024

La communication du dossier médical par les professionnels de santé : Position de la cour de justice de l’Union européenne

 

En France, toute personne a un droit d’accès à l’ensemble des informations concernant sa santé, et notamment, son dossier médical.

 

En effet, l’article L.1111-7 du Code de la Santé Publique dispose que :

« Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels de santé, par des établissements de santé par des centres de santé, par des maisons de naissance, par le service de santé des armées ou par l’Institution nationale des invalides qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.

Elle peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu’un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé.

(…)

En cas de décès du malade, l’accès au dossier médical de ce malade des ayants droit, du concubin, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du médecin prenant en charge une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques dans les conditions prévues au I de l’article L. 1130- 4 s’effectue dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du V de l’article L. 1110-4.

La consultation sur place des informations est gratuite. »

En cas d’irrespect de ces obligations, il est ainsi possible de saisir la CADA : Commission d’accès aux documents administratifs, afin d’obtenir un avis, en vue de la communication des documents demandés.

Enfin, un recours devant le Tribunal administratif (établissement public) ou Judiciaire (établissement privé, ou tout professionnel de santé libéral) est également possible si le demandeur n’obtient pas copie des documents sollicités.

Tel est l’état du droit interne.

Or, la CJUE a récemment été saisie d’une question préjudicielle, sur la communication du dossier médical, et du coût de cette communication. – Arrêt du 26 octobre 2023 (affaire C 307/22).

En l’espèce, un patient allemand sollicitait la remise gratuite de la copie de son dossier médical auprès de son chirurgien-dentiste.

Le professionnel de santé consentait à la remise de cette copie sous réserve du paiement des frais de reprographie, tel que le droit allemand le prévoit.

Le droit allemand étant similaire au droit français sur ce point, les praticiens ayant pour obligation de tenir les dossiers médicaux à disposition de leur patient, avec archivage pendant 10 ans, le patient ayant le droit de demander communication de son dossier papier, ou par voie électronique.

Le patient étant tenu de s’acquitter du coût engendré par la reprographie du dossier médical.

Or, cette réglementation se trouve antérieure au RGPD, ouvrant droit au patient de contester la légalité du paiement des frais de reprographie.

Des Questions préjudicielles étaient alors posées à la CJUE.

 

1/ LE RGPD PRÉVOIT UN DROIT D’ACCÈS AUX DONNÉES DÉTENUES EN VUE D’EN PRENDRE RECONNAISSANCE ET D’EN VÉRIFIER LA LICÉITÉ.

Or, en l’espèce, la demande d’accès avait un objectif autre que celui posé par le RGPD : mettre en jeu la responsabilité du praticien.

Dans ces conditions, le droit d’accès prévu par le RGPD et ses conséquences sont-ils applicables aux faits d’espèce ?

La CJUE considère ainsi d’une part que l’article 12 du RGPD prévoit que la demande d’accès n’entraîne aucun frais pour le demandeur, sauf abus de droit, des frais raisonnables pouvant être réclamés pour toute copie supplémentaire (article 15 RGPD).

Mais la Cour considère surtout que le motif de la demande n’a pas à être exprimé, celui-ci devant être totalement indifférent quant à la communication des données détenues.

Ainsi, peu importe le motif de demande de communication des données, le principe de gratuité reste le même.

 

2/ LA DEMANDE DE REMBOURSEMENT DES FRAIS DE COPIE PEUT-ELLE S’ANALYSER COMME UNE LIMITATION POSÉE PAR LE RESPONSABLE DE TRAITEMENT COMME UNE MESURE NÉCESSAIRE ET PROPORTIONNÉE QUI RESPECTE LES LIBERTÉS ET LES DROITS FONDAMENTAUX ?

Cette limitation serait « nécessaire et proportionnée » en vue de protéger les intérêts légitimes des praticiens, qui permettrait, en règle générale, de prévenir des demandes de copie sans motif de la part des patients concernés » ?

*

La Cour rappelle tout d’abord que les législations nationales antérieures au RGPD, se doivent de s’y conformer. Mais en outre, elle ajoute que la protection des intérêts économiques des praticiens ne saurait justifier une mesure conduisant à la remise en cause d’un droit d’accès, à titre gratuit.

La Cour considère donc qu’il ne saurait être mis à la charge d’un patient les frais engendrés par une première demande de copie des données médicales, afin de protéger les intérêts économiques des praticiens, au risque de contrevenir au droit d’accès aux données dans les conditions du RGPD.

 

3/ LA TROISIÈME QUESTION ÉTAIT LA SUIVANTE : SATISFAIT ON À LA DEMANDE DE COMMUNICATION EN FOURNISSANT UN « EXTRAIT DES DONNÉES DÉTENUES » OU FAUT-IL FOURNIR « L’ENSEMBLE DES DOCUMENTS MÉDICAUX CONCERNANT LE PATIENT » ?

La CJUE confirme le droit pour le demandeur d’obtenir une reproduction fidèle des données conservées. La copie doit être intégrale, fidèle et intelligible.

La Cour rappelle que les données de santé sont des données dites sensibles au regard du RGPD, dont la fourniture de résumés, compilations ou extraits serait de nature à péjorer leur compréhension et leur justesse.

Aussi, en matière de santé, le droit d’obtenir une copie des données à caractère personnel doit s’entendre comme « celui d’obtenir la copie intégrale des documents figurant dans son dossier médical »

*

Aux termes de son arrêt, la CJUE confirme donc que toute première demande de communication de données personnelles, en ce compris les données de santé, se doit d’être accordée à titre gratuit.

Elle rappelle l’obligation pour l’ensemble des pays de se conformer aux normes RGPD.

Enfin, la Cour confirme et affirme un droit de communication d’un dossier médical, au regard du caractère sensible des données qu’il contient, intégral, fidèle et intelligible.

Ainsi, on peut considérer dès à présent, que toute demande en paiement de frais de reprographie, en France, pour délivrer copie d’un dossier médical, contreviendrait à la Jurisprudence de la CJUE.

Il appartiendra nécessairement aux professionnels et établissements de santé de changer leur politique et leur modalité de facturation sur ces demandes de copie.

Certaines dispositions législatives seront très certainement à modifier, en ce qu’elles autorisent la facturation du coût de la reprographie, (avec mesure, et information préalable).

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