Le débiteur déclarant la créance d’un créancier à la procédure collective peut-il, par la suite, la contester ?

Dans une décision récente du 23 mai 2024 (Com, 23 mai 2024, n°23-12.133), la chambre commerciale de la Cour de cassation vient nous indiquer si la « déclaration de créance » faite par le débiteur, vaut reconnaissance de celle-ci par son auteur.

Un sujet intéressant en droit des procédures collectives et en matière de vérification du passif de l’entreprise en difficulté pour le déclarant qui souhaiterait ultérieurement contester le bien-fondé de sa dette.

 

  • Contexte Juridique

Lorsque la procédure collective est ouverte, le débiteur doit remettre au mandataire, dans un délai de huit jours, la liste de ses créanciers. Cela étant prévu par l’article R.622-5 du Code de commerce. Le mandataire va alors informer les créanciers de cette liste et ces derniers disposent de trente jours pour les contester. Le créancier ne répondant pas dans ce délai, perdra le droit de contester les propositions faites par le mandataire (des rares exceptions permettent de solliciter l’autorisation du juge pour être relevé de sa déchéance).

 

  • L’Arrêt de la Cour de Cassation

Des sociétés débitrices, dans deux arrêts du 23 mai 2024, ont contesté une créance déclarée par un créancier, alors même qu’elles avaient elles-mêmes porté cette créance à la connaissance du mandataire. Le créancier a alors affirmé que la liste des créances établie par le débiteur vaut reconnaissance de la dette par celui-ci et que même si les sociétés débitrices ne reconnaissent pas le montant déclaré par le créancier, elles reconnaissent à minima le bien-fondé de l’existence de la créance puisqu’elles l’ont elles-mêmes déclarée à la procédure collective.

La Cour de cassation va alors poser le principe selon lequel la déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier ne vaut pas reconnaissance de son bien-fondé. En effet, le débiteur a l’obligation de mentionner l’ensemble des créances susceptibles d’être revendiquées par des tiers, même si celles-ci sont incertaines. De plus, conformément à l’article L.622-24 du Code de commerce, le débiteur qui a porté une créance d’un tiers à la connaissance du Mandataire judiciaire est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé sa déclaration de créances.  Aussi, la reconnaissance de ces créances ne peut, selon la Cour de cassation, incomber au débiteur en difficulté.

 

  • Implications Pratiques

Ce principe implique une conséquence fondamentale pour les débiteurs et créanciers d’une procédure collective. Si la déclaration de créance faite par le débiteur, à la procédure collective, pour un créancier, ne vaut pas reconnaissance de son bien-fondé, le débiteur pourra alors la contester.

De ce fait, le débiteur en difficulté a désormais intérêt à déclarer l’ensemble des créances certaines et incertaines car il pourra, par la suite, les contester. De plus, il évitera la potentielle sanction de l’article L.653-8 du Code de commerce qui prévoit, notamment, l’interdiction de diriger une entreprise s’il n’a pas remis, de mauvaise foi, les informations censées être communiquées au Mandataire judiciaire.

 

  • Le débiteur déclarant une créance d’un tiers à la procédure collective peut-il, par la suite, la contester ?

Cette décision du 23 mai 2024 est importante pour l’ensemble des parties à la procédure collective. La Cour de cassation considère que la liste des créances portée par le débiteur au Mandataire judiciaire, ne vaut pas reconnaissance du bien-fondé des créances déclarées. Un principe conférant donc au débiteur, la possibilité de contester ces créances.

Le débiteur a donc tout intérêt à déclarer sereinement, l’ensemble des créances susceptibles de lui être opposées. Surtout, ne les oublions pas, les créanciers ont intérêt à ne pas se reposer sur cette déclaration faite spontanément par le débiteur et à adresser leur déclaration de créances et justificatifs au Mandataire judiciaire.

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