Portrait d’avocat: Marie-Astrid Bertin

1. Si vous pouviez remonter le temps et donner un conseil à votre « vous » d’il y a 10 ans, quel serait-il ?

Si je devais donner un conseil à mon moi d’il y a 10 ans, ce serait de ne jamais céder à la panique face à une situation complexe ou stressante et de toujours prendre du recul pour évaluer les choses sous un angle plus clair.

2. Dans votre domaine, il existe souvent une ligne fine entre la défense des intérêts d’une partie et la recherche de la justice. Comment gérez-vous cette tension ? 

Mon objectif principal n’est pas de rechercher la justice au sens strict, mais de défendre les intérêts de mon client de manière rigoureuse et efficace. Je n’ai donc jamais ressenti cette tension en 8 ans d’exercice.

3. Quel est le cas ou dossier qui vous a le plus marquée, non pas par son résultat, mais par la manière dont il a remis en question vos perspectives sur le droit ?

Je mentionnerais les affaires dans lesquelles la Cour de cassation a jugé que les arrêts maladie permettent l’acquisition de droits de congés payés, tant les décisions qui ont été rendues sur ce point sont discutables d’un point de vue juridique (cf. nos articles rédigés par le cabinet).

4.Derrière chaque avocat, il y a des défis humains, parfois des conflits de valeurs. Avez-vous déjà été confronté à une situation où vos valeurs personnelles entraient en conflit avec votre travail ?

Certains dossiers peuvent être particulièrement délicats à traiter, comme, par exemple, la préparation d’un licenciement que l’on peut savoir impossible à justifier judiciairement car fondé sur des motifs subjectifs. Dans ces situations, je m’efforce de m’en tenir strictement à l’application des règles juridiques pour conseiller au mieux mon client. Cependant, si un dossier venait à heurter profondément mes convictions personnelles, je n’hésiterais pas à invoquer ma clause de conscience, bien que cela ne se soit encore jamais produit.

5. Le droit du travail et la protection sociale sont des domaines en constante évolution. Comment vous assurez-vous de rester à la pointe des changements législatifs et des nouvelles tendances ?

Je me tiens régulièrement informée en consultant les bases de données juridiques et en lisant les posts publiés sur LinkedIn, qui constitue également une source précieuse. Par ailleurs, je participe à des formations dispensées par le Barreau. Les échanges avec les confrères représentent également une source précieuse pour rester informée des dernières actualités et des pratiques en vigueur dans les tribunaux.

6. Si vous deviez enseigner une seule leçon de vie à vos jeunes collègues ou à vos futurs stagiaires, quelle serait-elle ?

Je leur enseignerais l’importance de l’écoute et de l’humilité : écouter attentivement les clients, les confrères et même les adversaires pour mieux comprendre chaque situation, tout en restant humble face à la complexité du droit et des relations humaines. C’est cette attitude qui permet de progresser et de fournir les meilleurs conseils.

7. Quelle est la part de « l’intuition » dans votre travail quotidien ? Est-ce que vous vous fiez plus à votre instinct dans certaines situations, ou êtes-vous toujours guidée par les faits ?

L’intuition peut jouer un rôle non négligeable dans mon travail quotidien. Elle n’est jamais le fondement d’une décision mais plutôt un outil complémentaire. L’essentiel de mon analyse repose toujours sur les faits, le droit et une réflexion méthodique, car ce sont ces éléments qui doivent guider la construction d’une défense solde et crédible. Cela dit, l’expérience m’a permis de développer une sensibilité qui m’aide à anticiper, poser les bonnes questions, ou ajuster une stratégie face à l’imprévu.

8. Les avocats passent souvent leur journée à défendre des positions opposées. Existe-t-il un moyen de réconcilier la rigueur du droit avec des solutions plus humaines ou créatives ?

Absolument, le droit offre de nombreuses opportunités pour faire preuve de créativité. La rigueur juridique n’exclut pas l’ingéniosité : il s’agit souvent d’explorer les différentes interprétations des textes, de construire des argumentations innovantes ou de proposer des solutions sur mesure qui répondent à la fois aux exigences légales et aux besoins spécifiques de chaque client.

9. Votre rôle vous amène à jongler avec de nombreux dossiers et personnes. Comment gérez-vous l’aspect émotionnel et le stress associés ?

Je m’appuie toujours sur une organisation rigoureuse pour gérer ces paramètres qui font partie intégrante de notre activité. Le sport que je pratique très régulièrement m’aide également à évacuer le stress, à rester sereine dans le traitement de mes dossiers et à faire face aux situations/contextes difficiles.

10. Enfin, quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui envisage de se lancer dans une carrière d’avocat, et plus particulièrement dans le domaine du droit du travail et de la protection sociale ?

Le premier conseil que je donnerais serait de cultiver une passion en dehors de son domaine professionnel. Le second conseil serait de toujours prêter une attention particulière aux faits et de ne pas se limiter à une analyse strictement juridique, car les faits jouent souvent un rôle crucial pour les conseillers prud’homaux.