En période de grève, liberté de circulation des représentants du personnel et syndicaux peut être limitée en cas d’abus
11 mars 2021
Cass. soc., 10 février 2021, nº 19-14.021
Les représentants du personnel et syndicaux disposent de certaines prérogatives qui leur permettent d’exercer leurs attributions.
Parmi elles, se trouve la liberté de circuler dans l’entreprise, et d’y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, qui leur est garanti par l’article L. 2315-14 du Code du travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés.
La Cour de cassation a depuis longtemps reconnu que cette liberté de circulation était garantie, même au cours une grève.
Dans un arrêt du 10 février 2021, elle vient toutefois ajouter quelques précisions sur les limites qui peuvent être édictées par l’employeur à l’exercice de cette liberté.
Les faits soumis à l’examen de la Cour sont les suivants.
Les salariés d’une société prestataire, auquel un hôtel sous-traite le nettoyage des chambres, se mettent en grève.
Durant celle-ci, les représentants du personnel décident d’envahir l’hôtel en question, y organisent des réunions d’information, distribuent des tracts aux clients, interpellent les salariés non-grévistes, font résonner sifflets et mégaphones dans les couloirs, et entrent de force dans les chambres occupées par des clients.
En réaction, l’employeur a dans un premier temps interdit l’accès à l’hôtel aux grévistes.
Quelques jours plus tard, une fois le calme revenu, il en subordonne l’accès à la condition notamment de ne pas de détenir de sifflet, chasuble, et il interdit aux grévistes de rentrer dans les chambres.
De manière pour le moins surprenante, tant cette décision de l’employeur semble frappée de bon sens, les élus décident de la contester en justice.
Mal leur en prend. Après avoir relevé le caractère abusif des actions des représentants du personnel et syndicaux, les juges du fond ont considéré que les restrictions apportées par l’employeur étaient justifiées et proportionnées.
La Cour de cassation valide l’analyse de la Cour d’appel.
Elle rappelle en effet que la liberté de circulation dont bénéficient les représentants du personnel s’applique « de la même façon qu’en temps normal », à savoir qu’elle ne doit pas perturber le travail des salariés.
Ensuite, au visa de l’article L. 1121-1 du Code du travail selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », elle indique que la liberté de circulation, qui est d’ordre public, peut être restreinte par l’employeur « au regard d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité, ou en cas d’abus ».
C’est alors à bon droit que l’employeur a imposé ces restrictions, dès lors que l’exercice de la liberté de circulation portait en l’espèce « une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle».
Toutefois, est censuré le chef du dispositif qui valide l’interdiction par l’employeur de l’usage de mégaphone sur la voie publique, tout du moins dans un périmètre de plus de 200 mètres autour de l’hôtel, cela n’entrant pas dans la compétence du juge judiciaire.