La caducité des contrats de location financière
27 mars 2025
La caducité des contrats de location financière
Le 5 février 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu deux arrêts relatifs aux ensembles contractuels, et plus précisément, à propos de la caducité d’un contrat de location financière, à la suite de la disparition du contrat principal[1].
La Haute juridiction a retenu qu’en présence d’un ensemble contractuel, la résolution unilatérale par voie de notification du contrat principal entraîne la caducité du contrat accessoire de location financière, sans qu’il soit nécessaire de constater en justice la résolution du contrat principal.
la caducité des contrats interdépendants
Selon l’article 1186 du Code civil, en présence d’un ensemble contractuel, c’est-à-dire lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération, la disparition d’un contrat principal entraîne la caducité des autres contrats dont l’existence même dépendait du contrat principal et dont l’exécution est désormais impossible du fait de la disparition de ce dernier.
la caducité des contrats de location financière
La chambre commerciale de la Cour de cassation avait posé une présomption selon laquelle les contrats concomitants ou successifs s’inscrivant dans une opération incluant une location financière sont interdépendants. Il en résulte alors que « l’exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l’un d’eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement ».[2]
La caducité des contrats accessoires de location financière étant la conséquence directe de la disparition du contrat principal, les circonstances entourant cette disparition restaient à être précisées.
les dernières précisions de la cour de cassation
Dans les deux arrêts du 5 février 2025, les demandeurs au pourvoi s’opposaient au fait que la résiliation unilatérale d’un contrat principal par voie de notification puisse entraîner la caducité du contrat accessoire de location financière.
Les faits des deux espèces sont sensiblement similaires. Pour rappel, la location financière est une opération dans laquelle le propriétaire d’un bien (le fournisseur) met ce dernier à la disposition d’un établissement financier (le loueur), qui va ensuite le louer à une entreprise (locataire). Mais souvent, le fournisseur fournit directement le bien au locataire et en assure la maintenance, de sorte que le locataire conclut deux contrats : un contrat de location et un contrat de maintenance. Un ensemble contractuel est ainsi formé.
Ici, deux sociétés ont conclu un contrat de location financière auprès d’un loueur, portant sur un logiciel dans le premier arrêt et sur du matériel de bureautique dans le second. Les sociétés ont également conclu directement auprès du fournisseur un contrat de maintenance (pour le logiciel) et un contrat de fourniture (pour le matériel bureautique). Les deux locataires, se plaignant de plusieurs manquements contractuels de la part des fournisseurs, ont résolu unilatéralement par voie de notification les contrats de fourniture et de maintenance, ce que permet l’article 1224 du Code civil.
Les locataires ont ensuite notifié aux loueurs la caducité par voie de conséquence du contrat de location financière.
Les loueurs, refusant d’admettre la caducité des contrats de location financière ont assigné les locataires en paiement des loyers impayés.
Dans le premier arrêt, les juges du fond ont accueilli en cause d’appel la caducité de la location financière. Ici, la société propriétaire du matériel se pourvoit en cassation, estimant qu’elle n’a pas été mise en cause préalablement.
Dans le second arrêt, la Cour d’appel a directement refusé de prononcer la caducité du contrat de location financière, au motif que la résolution du contrat principal n’a pas été judiciairement constatée.
La Cour de cassation censure cette analyse et pose que la résolution par voie de notification est opposable à celui contre lequel est invoqué la caducité d’un contrat, par voie de conséquence, de l’anéantissement préalable du contrat interdépendant, sans qu’il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu.
Ainsi, la résolution par voie de notification d’un contrat principal suffit à entraîner la caducité du contrat accessoire de location financière. La Cour de cassation rappelle également que la résolution unilatérale par voie de notification produit ses effets immédiatement. Celle-ci n’a pas besoin d’être constatée par le juge.
Toutefois, il convient de rappeler que conformément à l’article 1226 du Code civil, la résolution unilatérale par voie de notification se fait aux risques et périls du créancier. Le débiteur peut toujours saisir le juge pour contester la résolution du contrat et il appartiendra ensuite au créancier de démontrer la gravité de l’inexécution du débiteur, pour justifier la résolution du contrat.
[1] Cass. com., 5 févr. 2025, nº 23-23.358 ; Cass. com., 5 févr. 2025, nº 23-14.318
[2] Cass com 10 janvier 2024, n°22-20.466