Amour et travail ne font pas toujours bon ménage
3 juillet 2024
Dissimuler une relation intime au travail peut mener à des conséquences désastreuses, surtout quand on est en charge de la gestion des ressources humaines.
Cass. soc. 29 mai 2024, n°22-16.218
CA Bordeaux 17 avril 2024 n°21/01972
Ah, l’amour au travail ! D’après une récente étude sur la romance au travail effectuée par le Cabinet Technologia et l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, 1 français sur 2 aurait déjà eu une relation amoureuse au travail. Or, quand Cupidon décoche ses flèches au bureau, cela peut mener à des situations compliquées.
Ce cas de figure a récemment pu être examiné par la Cour de cassation et la Cour d’appel de Bordeaux où des salariés exerçant des fonctions de Direction et chargés de la gestion des ressources humaines ont caché à leurs employeurs une relation intime avec une salariée. Résultat ? Licenciements pour faute grave, validés par les juges.
- La frontière entre vie privée et obligations professionnelles peut parfois sembler floue, mais elle existe bel et bien.
En principe, ce qui se passe dans la vie privée d’un salarié devrait rester privé. Cependant, quand cela interfère avec les obligations professionnelles, la situation change du tout au tout. Dans ces deux affaires, les juges ont tranché : cacher une relation intime, quand on occupe une position sensible, constitue une faute grave.
- Amour au travail : zoom sur les cas examinés par les juges
Jurisprudence de la Cour de cassation : imaginez-vous en réunion avec votre moitié, discutant de sujets aussi sensibles que les plans sociaux et les mouvements de grève. D’un côté, vous représentez la Direction ; de l’autre, votre partenaire représente le syndicat…Bonjour le conflit d’intérêts ! C’est précisément le cas examiné par la Cour ayant donné lieu au licenciement pour faute grave du Directeur.
Jurisprudence de la Cour d’appel de Bordeaux : un DRH a « entretenu des relations très intimes » avec une salariée. « Cette relation personnelle a pris, selon elle, une tournure qui a eu des conséquences tant inattendues que néfastes sur le déroulement de ses prestations de travail et sur son positionnement vis-à-vis de vous-même dans le cadre professionnel de l’entreprise ». Elle a porté plainte. Finalement, elle a retiré sa plainte et le DRH a été relaxé. Il s’en sort pénalement mais il est toutefois licencié pour faute grave.
- Obligations de loyauté et de neutralité : de grands principes à respecter
Si en principe, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier son licenciement pour faute, il en va autrement lorsqu’il y a eu manquement de ce dernier à une obligation découlant de son contrat de travail.
S’agissant du DRH qui était en couple avec une représentante du personnel, la Cour de cassation a jugé qu’en cachant cette relation, il a manqué à son obligation de loyauté.
Pour les juges, il est essentiel de maintenir une transparence totale dans des situations pouvant affecter le bon exercice des fonctions professionnelles. En effet, pour la Haute Juridiction « la déloyauté d’un salarié peut être caractérisée lorsque celui-ci cache à son entreprise des situations le touchant en lien avec l’exercice de l’activité professionnelle exercée ou pouvant avoir des conséquences sur celle-ci ».
La Cour de cassation, ajoute que l’absence de préjudice pour l’employeur n’a aucune importance. L’obligation de loyauté a été rompue, et c’est cette rupture qui justifie le licenciement pour faute grave. En somme, cacher une relation peut coûter cher, très cher.
S’agissant du DRH ayant été poursuivi pénalement suite aux faits dénoncés par une salariée dans le cadre de leur relation intime, la Cour d’appel de Bordeaux a jugé qu’en « entretenant une relation intime avec [la salariée], [le DRH] a contrevenu à l’obligation de neutralité pesant sur un directeur des ressources humaines et manqué à l’obligation de loyauté à l’égard de son employeur qu’il n’avait pas informé de sa situation personnelle et des conséquences de celles-ci sur l’exercice de ses fonctions ».
La Cour d’appel constate en effet que le DRH « supervisait voire intervenait dans l’exercice des fonctions de responsable des ressources humaines prenant part, même à titre consultatif, aux décisions relatives aux procédures et décisions disciplinaires et à l’évolution de la carrière des salariés ».
- Vivre la relation oui, la cacher non
Attention, ce n’est pas la relation amoureuse en elle-même qui pose problème, mais le bien le fait de l’avoir cachée.
Informé, l’employeur peut prendre des mesures pour éviter le conflit d’intérêts.
Donc, chers amoureux du bureau, si l’amour frappe à votre porte, assurez-vous de l’ouvrir à vos supérieurs hiérarchiques aussi. Informez votre employeur avant que cette relation ne vous coûte votre relation professionnelle. La loyauté n’est pas qu’un vain mot, c’est un devoir…. Employeurs, vous pouvez mettre à disposition de vos salariés des formulaires de déclaration visant un conflit d’intérêts mais ils n’auront aucune force contraignante puisque chaque salarié a le droit à sa vie privée.