Arrêts de travail pour maladie

Les modalités de la contre-visite à l’initiative de l’employeur sont enfin fixées !

 

Comme le dit un célèbre proverbe : mieux vaut tard que jamais…

Alors que depuis 2008, l’article L. 1226-1 du Code du travail instituant la contre-visite médicale renvoyait à un décret la détermination de ses modalités, il aura fallu attendre le Décret 2024-692 du 5 juillet 2024 dont les dispositions sont entrées en vigueur le 7 juillet dernier pour en connaître la teneur.

Les articles R. 1226-10 à R. 1226-12 du Code du travail qu’il institue consacrent toutefois pour l’essentiel les solutions dégagées jusqu’alors par la Cour de cassation.

 

  • Une possibilité de contre-visite médicale diligentée par l’employeur existant de longue date

Pour mémoire, l’article L. 1226-1 du Code du travail prévoit depuis le 1er mai 2008 la possibilité, pour les salariés ayant au moins un an d’ancienneté, de bénéficier, en cas d’arrêt de travail pour maladie, d’un complément de salaire en sus des indemnités journalières.

En contrepartie de ce maintien de salaire obligatoire pour l’employeur, le législateur a permis à l’employeur de faire procéder à une contre-visite médicale de contrôle, et ce, dès le 1er jour d’absence.

 

  • Les informations à la charge du salarié

L’article R. 1226-10 nouveau du Code du travail prévoit désormais que le salarié communique à l’employeur, dès le début de l’arrêt de travail, ainsi qu’à l’occasion de tout changement :

– Son lieu de repos s’il est différent de son domicile,

– Et, s’il bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention “sortie libre”, les horaires auxquels la contre-visite mentionnée à l’article L. 1226-1 peut s’effectuer.

Aucune disposition n’est toutefois prévue en cas d’absence de transmission de ces informations par le salarié, de sorte que l’on peut s’interroger notamment sur l’horaire de la contre-visite en cas d’arrêt de travail portant la mention « sortie libre ».

L’on peut toutefois considérer que le salarié devrait supporter seul les conséquences de n’avoir pas tenu informé son employeur s’il devait être absent lors de la visite de contrôle (avec notamment l’arrêt du versement des IJSS et de la complémentaire employeur).

 

  • Les modalités pratiques de la contre-visite

La contre-visite est effectuée par un médecin mandaté par l’employeur, qui se prononce sur le caractère justifié de l’arrêt de travail, y compris sa durée (article R. 1226-11 du Code du travail).

La contre-visite s’effectue à tout moment de l’arrêt de travail et, au choix du médecin :

– Soit au domicile du salarié ou au lieu communiqué par lui en application de l’article R. 1226-10 susvisé, en s’y présentant, sans qu’aucun délai de prévenance ne soit exigé, le médecin devant seulement s’y présenter en dehors des heures de sortie autorisées ou, s’il y a lieu, aux heures communiquées en application de l’article R. 1226-10 du Code du travail ;

– Soit, et c’est une nouveauté, au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci, par tout moyen conférant date certaine à la convocation.

Si le salarié est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il doit alors en informer le médecin en précisant les raisons.

 

  • L’employeur doit informer sans délai le salarié du résultat de la contre-visite

1. Au terme de sa mission, le médecin informe l’employeur (article R. 1226-12 du Code du travail) :

– Soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail,

– Soit de l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile.

Cette information est faite par le médecin sans préjudice de l’obligation résultant de l’article L 315-1, II du CSS, obligeant le médecin mandaté par l’employeur, lorsqu’il conclut à l’absence de justification d’un arrêt de travail ou fait état de l’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré, à transmettre son rapport au service du contrôle médical de la caisse dans un délai maximal de 48 heures.

Au vu de ce rapport, ce service peut soit demander à la caisse de suspendre les indemnités journalières de Sécurité sociale, soit faire procéder à un nouvel examen médical de l’intéressé par le médecin mandaté par l’employeur. Ce nouvel examen est de droit si le rapport du médecin précise qu’il a été dans l’impossibilité de procéder à la contre-visite médicale.

 

2. Dès qu’il a connaissance des résultats de la contre-visite par le médecin qu’il a mandaté, l’employeur doit les transmettre sans délai au salarié.

Si le texte ne prévoit pas les modalités de transmission par l’employeur, la prudence impose à notre sens – pour une question de preuve – de procéder par LRAR, a fortiori si le médecin conclut au caractère injustifié de l’arrêt ou à l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié. Il pourrait également être opportun de rappeler à ce dernier les conséquences engendrées par le constat du médecin, celles-ci n’étant pas neutres en cas de contrôle « négatif ».

En effet :

– Si le salarié est considéré comme responsable de l’impossibilité du contrôle, il perd le bénéfice des indemnités complémentaires de maladie pour la période postérieure à la visite, ainsi que cela a précédemment été jugé par la Cour de cassation (Cass. soc. 9 juin 1993, no 90-42.701) ;

– En outre, si le médecin ayant effectué la contre-visite estime que l’arrêt maladie n’est pas ou plus justifié, le salarié doit reprendre le travail. S’il refuse et décide de s’en tenir aux prescriptions de son médecin traitant, il ne commet pas de faute, mais est privé du maintien de salaire à compter de la date de la contre-visite (Cass. soc. 28 novembre 2000 n° 98-41.308). Il peut alors solliciter un nouvel examen et, éventuellement, une expertise judiciaire (Cass. soc. 17 février 1993 n° 88-44947).

 

Si ce décret aurait certes pu être plus complet, ne serait-ce que sur les conséquences du contrôle sur lesquelles on peut regretter qu’il reste totalement muet, son entrée en vigueur a toutefois pour mérite de remettre en lumière l’intérêt évident pour les entreprises de diligenter de telles contre-visites.

Véritable outil de lutte contre l’absentéisme abusif, les statistiques révèlent que 35% des contrôles permettraient de suspendre les indemnités complémentaires. À l’heure où les répercussions financières de l’absentéisme sont réelles pour de nombreuses entreprises, un tel dispositif n’est clairement pas à négliger.

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