CDD successifs et fondement de l’indemnisation des périodes interstitielles
12 janvier 2022
Cass. soc., 17 novembre 2021, n°20-17.526, M. T c. Sté Nulle part ailleurs
Lorsqu’un contrat à durée déterminée (CDD) est requalifié en contrat à durée indéterminée (CDI), le salarié peut obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution ou de la rupture du contrat, mais également prétendre au paiement du salaire pour les périodes non travaillées entre les CDD successifs, dès lors qu’il démontre s’être tenu à la disposition de l’employeur pendant celles-ci.
Le paiement de ces périodes dites interstitielles est encadré puisque, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation à plusieurs reprises, « la requalification (…) ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les autres stipulations contractuelles » (Cass. soc., 2 juin 2021, n°19-18.080) notamment celles relatives à la durée du travail (Cass. soc., 9 octobre 2013, n°12-17.882 ; Cass. soc., 10 décembre 2014, n°13-22.422) ou à la rémunération (Cass. soc., 5 octobre 2017, n°16-13.581).
Il en résulte que les effets de la requalification du contrat sont limités et n’affectent pas les autres dispositions contractuelles. Aussi, le paiement des périodes interstitielles suppose de tenir compte des dispositions contenues dans les CDD successifs, lesquelles restent valables en dépit de la requalification.
C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans sa décision du 17 novembre 2021, après avoir sanctionné le raisonnement pour le moins original de la Cour d’appel de Versailles (arrêt du 13 mai 2020).
A cet égard, cette dernière a jugé que les modifications relatives à la durée du travail et à la rémunération contenues dans les CDD successifs s’analysaient en modifications unilatérales du contrat, lesquelles étaient inopposables au salarié pour le calcul du montant dû au titre des périodes interstitielles.
Ce raisonnement n’a pas été suivi par la Cour de cassation qui a fermement rejeté l’analyse, jugeant que « la conclusion de [CDD], même compris dans la période objet de la requalification de la relation de travail en [CDI], ne constitue pas une modification unilatérale du contrat de travail ».
En ce sens, la Cour de cassation estime – ainsi qu’il en ressort de son commentaire dans la lettre de la chambre sociale n°12 – que les variations de durée de travail ou de rémunération issues des divers contrats conclus résultent de la volonté des parties, sauf démonstration par le salarié d’un vice du consentement.
Se fondant sur le principe bien établi visant les effets de la requalification, la Cour de cassation a précisé qu’il appartenait en conséquence au juge « d’apprécier la valeur et la portée des modifications apportées par les parties aux dispositions relatives à la rémunération ou à la durée du travail résultant de la conclusion des contrats à durée déterminée concernés par cette requalification » afin de calculer le montant dû au titre des périodes d’inter-contrats.
Même si les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ou à la rémunération ne sont pas affectées par la requalification, il en ressort tout de même un vaste pouvoir d’appréciation reconnu aux juges du fond pour apprécier les modifications intervenues et fixer en conséquence le montant du rappel de salaire pour ces périodes.