CDD successifs : Quand chaque nouveau CDD permet au salarié […]

Cass. soc. 15 mars 2023, n°21-17.227

L’employeur ne peut pas invoquer une faute commise pendant un précédent CDD en cas de successions de CDD…. chaque nouveau contrat permet au salarié de faire table rase du passé !

– La possible rupture anticipée du CDD en cas de faute grave du salarié

Il convient tout d’abord de rappeler qu’un contrat à durée déterminée (CDD) ne peut être rompu avant l’échéance de son terme que dans les cas suivants :

  • faute grave du salarié ou de l’employeur ;
  • force majeure ;
  • inaptitude constatée par le médecin du travail
  • le salarié et l’employeur en conviennent à l’amiable ;
  • le salarié justifie d’une embauche en CDI.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, le déclenchement de la procédure disciplinaire doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués.

Que se passe-t-il si entre temps l’employeur contracte avec le salarié un nouveau CDD ?

– Les faits reproches doivent avoir été commis au cours du même contrat

Dans un arrêt du 15 mars 2023 (Cass. soc. 15 mars 2023, n°21-17.227), la Cour de cassation juge que si un salarié en CDD a commis une faute grave, il est trop tard :

  • pour prononcer la rupture anticipée du CDD arrivé à échéance,
  • pour prononcer la rupture anticipée du nouveau CDD, dès lors que les faits concernaient le précédent CDD.

Il faut que les faits reprochés aient été commis au cours du CDD en cours et non lors d’un précédent contrat.

Que se passe-t-il si l’employeur n’était pas informé immédiatement des faits ou encore qu’une vérification était nécessaire alors même qu’il avait entre-temps, contracté un nouveau CDD ?

– La connaissance tardive ne permet pas de différer la sanction

Dans l’affaire examinée par la Cour de cassation, une assistante administrative senior avait été embauchée par un laboratoire pharmaceutique ; elle a enchainé 3 CDD.

L’employeur a rompu le 3ème CDD en raison d’une faute (dont la nature n’est pas précisée dans l’arrêt) dans le cadre du 2nd CDD.

La salariée soutenait que les faits invoqués n’ayant pas été commis dans le cadre du dernier contrat, ils ne pouvaient pas justifier une rupture anticipée.

Pour se défendre, l’employeur a indiqué qu’il avait dû diligenter une enquête de sorte que c’est qu’au cours du 3ème CDD, qu’il avait pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés et ainsi prendre la décision de sanctionner la salariée.

Tant la Cour d’appel que la Cour de cassation ont rejeté cet argumentaire.

Le principe ne souffre d’aucune exception : « la faute de nature à justifier la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée doit avoir été commise durant l’exécution de ce contrat ».

Une telle décision est sévère pour les employeurs dans la mesure où chaque nouveau CDD purge, de facto, l’ensemble des faits antérieurs commis par un salarié.

S’il semble naturel qu’un employeur qui, bien qu’informé d’une faute commise par le salarié, choisit de conclure un nouveau CDD avec ce même salarié, ceci ne lui permettant pas invoquer une faute antérieure, une telle décision est toutefois sévère dans les situations où il n’avait pas connaissance des faits fautifs antérieurement commis.

Un employeur qui découvre trop tardivement des faits graves est donc contraint de prendre son mal en patience et d’attendre l’échéance du nouveau CDD (sauf à ce qu’il puisse invoquer une autre cause de rupture évoquée en début d’article). …

En clair, en pratique, dans la situation suivante :

  • J – dernier jour du CDD, un salarié commet des faits dont la matérialité et la gravité ne peuvent être contestés,
  • J+1 l’employeur contracte un nouveau CDD avec ce même salarié,
  • J+2 l’employeur apprend (avec effroi) que le salarié a commis les faits évoqués deux jours plus tôt…

Il ne peut pas invoquer ces faits pour rompre le nouveau contrat (et pour l’ancien, il a loupé le coche puisqu’il est déjà arrivé à échéance).

L’employeur qui romprait le nouveau CDD – en pensant bien faire et en prouvant que les faits sont avérés et graves et qu’il vient de l’apprendre – devrait verser au salarié des dommages et intérêts pour rupture abusive et une indemnité spécifique de précarité.

Une telle décision pourrait inciter les employeurs qui ont un doute sur des faits commis par un salarié, et qui n’ont pas le temps matériel de procéder à des vérifications, à ne pas le reconduire sur un nouveau CDD…

En cas de successions de CDD il y a donc une vraie autonomie des contrats. Allant plus loin, il est même déconseillé d’invoquer des faits de même nature commis lors d’un précédent CDD à l’appui de nouveaux fais commis au cours du nouveau CDD. 

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