Certaines entreprises peuvent bénéficier de dispositions du Code de la consommation

Le droit de la consommation a été conçu pour protéger les consommateurs des abus qui pouvaient être commis par les professionnels. Dans le langage et l’imaginaire commun, le consommateur est nécessairement une personne physique. Et pourtant, la législation française reconnait depuis longtemps l’application de certaines dispositions du code de la consommation (par exemple, l’article L.132-1 de 1993 relatif aux clauses abusives dans les contrats) au bénéfice de personnes morales.

 

En 2016, l’ordonnance n°2016-301 introduit un article liminaire dans le Code de la consommation qui définit le non-professionnel. Le non-professionnel est « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». Il se distingue du « professionnel » qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

 

Le non-professionnel est ainsi un acheteur personne morale intervenant hors de sa sphère et l’on comprend aisément que celui-ci puisse bénéficier d’une protection particulière.

Mais de manière plus surprenante, la loi étend aussi l’application de certaines dispositions du Code de la consommation aux relations entre deux professionnels agissants tous les deux dans le cadre de leur activité commerciale.

C’est le cas de l’article L.221-3 dudit Code qui dispose que les articles du Code de la consommation relatifs à l’obligation d’information précontractuelle pour les contrats hors établissement et relatifs au droit de rétractation pour les contrats à distance ou hors établissement sont applicables aux relations entre professionnels dès lors que l’objet du contrat n’entre pas dans le champ de l’activité principale du client et que son nombre de salariés ne dépasse pas cinq personnes.

 

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation s’est prononcée, dans un arrêt du 13 avril dernier[1], sur une affaire concernant une pharmacie qui avait conclut un contrat de téléphonie avec un prestataire. Trois jours plus tard, elle demande à exercer son droit de rétractation.

La Cour suit un raisonnement en deux étapes :

  • (i) le contrat a-t-il été conclu hors établissement ?
  • (ii) la pharmacie avait-elle agit hors du cadre de son activité principale pour pouvoir bénéficier du droit de rétractation ?

 

Sur le premier point, la Cour relève que l’agent commercial du prestataire de téléphonie s’était déplacé dans les locaux de la pharmacie pour conclure le contrat, après avoir convenu d’un rendez-vous par téléphone. Elle en conclut que le contrat entre la pharmacie et la société de téléphonie est contrat hors établissement.

Sur le second point, la Cour censure le raisonnement de la cour d’appel ayant tranché en faveur de l’absence d’un droit de rétractation.

La Cour d’appel en effet avait considéré que le contrat en cause avait été passé pour les besoins de l’activité professionnelle de la pharmacie puisque le contrat stipulait que « le locataire […] atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière ».

Or, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel de n’avoir pas recherché, non pas si le contrat était en rapport avec l’activité professionnelle de la pharmacie, mais si le contrat en cause entrait ou non dans le champ de l’activité principale de celle-ci. Et ce, alors même que nous aurions pu raisonnablement penser qu’un contrat de téléphonie entrerait nécessairement dans le champ de l’activité principale d’une pharmacie dès lors qu’il est conclu pour les besoins de cette activité commerciale.

Peu importe s’il est un accessoire nécessaire considère la Haute juridiction, ce qui compte c’est l’examen du cœur de l’objet social de la personne morale. Cette décision invite donc à différencier l’activité professionnelle de l’activité principale.

 

La solution pourrait surprendre mais cette décision n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence récente de la Cour de cassation. En effet, par deux arrêts du 31 août 2022, la Cour avait déjà pu retenir que :

  • Dans un contrat conclu hors établissement entre deux professionnels, le preneur peut soulever la nullité du contrat pour défaut de communication par le bailleur des informations relatives au droit de rétractation[2];
  • Un médecin qui réserve une chambre d’hôtel pour participer à un congrès médical n’agit pas à des fins professionnelles, le contrat d’hébergement n’entrant pas dans le cadre de son activité professionnelle[3].

 

On s’aperçoit donc que la jurisprudence interprète de manière protectrice les dispositions du Code de la consommation et notamment le lien entre le contrat en cause et le champ d’activité du professionnel client. Donnant ainsi lieu à des solutions qui peuvent sembler contre-intuitives au premier abord.

De tout ceci deux leçons :

1. Vous êtes une entreprise cliente de cinq salariés au plus : Connaissez vos droits et sachez que vous pouvez bénéficier, dans une certaine mesure, des la protection des dispositions du Code de la consommation, même au sujet de contrats nécessaires à votre fonctionnement.

2. Vous êtes une entreprise prestataire : en présence d’une personne morale cliente de cinq salariés au plus veillez à bien respecter les dispositions du Code de la consommation, en particulier les exigences d’informations précontractuelles dès lors que vous contractez avec des entreprises qui n’ont pas la même activité économique que vous et pour lesquelles la relation contractuelle n’est pas au cœur de son objet social.

 

[1] Cass., 1ère civ., 13 avril 2023, n°Y 21-23.312

[2] Cass., 1ère civ., 31 août 2022, n°21-10.075

[3] Cass., 1ère civ., 31 août 2022, n°21-11.097

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