Congés payés et maladie – L’article L. 3141-5 5° du Code du travail déclaré conforme à la Constitution
5 mars 2024
Par une décision très attendue rendue le 8 février 2024, le Conseil constitutionnel considère que les dispositions légales relatives aux congés payés et à la maladie, qu’il circonscrit à l’article L. 3141-5 5° du Code du travail, sont conformes à la Constitution et écarte ainsi les moyens fondés tant sur l’atteinte du droit à la santé et au repos (11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946) que sur l’égalité de traitement (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789).
Les Sages ont en effet été saisis le 17 novembre 2023 par la Cour de cassation des deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) suivantes (Cass. soc., 15 nov. 2023, n° 23-14.806) :
- Sur la conformité au principe de protection de la santé et au repos des salariés : Les articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du Code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu’ils ont pour effet de priver, à défaut d’accomplissement d’un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés au-delà d’une période d’un an ?
- Sur la conformité au principe d’égalité devant la loi : L’article L. 3141-5, 5°, du Code du travail porte-t-il atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu’il introduit, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ?
Pour mémoire, après avoir appelé de ses vœux à plusieurs reprises une mise en conformité du Code du travail, la chambre sociale de la Cour de cassation, dans ses arrêts du 13 septembre 2023 (Cass. soc., 13 sept. 2023, nos 22-17.340, 22-17.638 et 22-10.529), a affirmé que les articles L. 3141-3 (selon lequel un salarié dont le contrat de travail est suspendu du fait d’une maladie d’origine non professionnelle ne peut acquérir de congés payés) et L. 3141-5, 5° (suivant lequel un salarié dont le contrat de travail est suspendu du fait d’une maladie d’origine professionnelle ne peut acquérir de congés payés après une durée ininterrompue d’un an) ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne (article 7 de la directive 2003/88 et article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne).
Dans l’intervalle, accentuant la pression exercée en interne sur le législateur, la CJUE a décidé (CJUE, 9 nov. 2023, nos C-271/22 à C-275/22) qu’il appartient aux États membres de définir, dans leur réglementation interne, les conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé et admet qu’une législation nationale puisse limiter la durée de la période de report des congés payés (en l’occurrence limitée à 15 mois et à 2 périodes de référence consécutives).
C’est donc dans ce contexte que la Cour de cassation a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel les deux QPC précitées dont la réponse est sans appel.
Sur la conformité au principe de protection de la santé et au repos des salariés, les Sages rappellent d’abord que le principe d’un congé annuel payé est l’une des garanties du droit au repos ainsi reconnu aux salariés. Ils considèrent ensuite que le législateur a souhaité éviter que le salarié, victime d’un accident ou d’une maladie résultant de son activité professionnelle et entraînant la suspension de son contrat de travail, ne perde de surcroît tout droit à congé payé au cours de cette période. Le Conseil en déduit alors qu’au regard de cet objectif, le législateur puisse assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non professionnelle. Il peut également limiter cette mesure à une durée ininterrompue d’un an.
Le Conseil constitutionnel en conclut que le droit au repos n’était pas méconnu par la loi.
Dans la pratique, la rupture conventionnelle est souvent une alternative au licenciement.
Sur la conformité au principe d’égalité devant la loi, après avoir rappelé que ce principe ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, le Conseil considère que la maladie professionnelle et l’accident du travail, qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié. Il en déduit que le législateur peut prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail.
Là encore, le Conseil constitutionnel juge que le principe d’égalité de traitement devant la loi n’a pas été méconnu.
L’article L. 3141-5 5° du Code du travail est ainsi déclaré conforme à la Constitution.
« Toutefois, bien que conformes à notre droit interne, ces dispositions n’en demeurent pas moins contraires au droit de l’UE. »
L’intervention du législateur est donc plus attendue que jamais pour apporter des réponses sur la prescription applicable, la durée du report ou encore la durée du congé minimum alors que, suite aux arrêts du 13 septembre dernier, les demandes salariales se multiplient avec, en fonction du cadre qui sera posé, des conséquences financières pour les entreprises extrêmement lourdes.