Dernières évolutions législatives dans le projet de loi « Marché du travail »

L’Assemblée nationale a adopté le 15 novembre 2022 le texte de compromis élaboré en Commission mixte paritaire par les Députés et les Sénateurs le 9 novembre. Cette adoption n’était pas certaine, surtout au regard des nouveautés introduites par les Sénateurs, et plus particulièrement celle concernant les refus de CDI susceptibles d’entrainer la suppression de l’allocation chômage.

Le 17 novembre prochain, il reviendra aux Sénateurs de voter ce texte, étant précisé qu’il est fort probable que le Conseil constitutionnel soit saisi par la suite pour vérification de sa conformité à la Constitution.

À ce jour, ce texte n’est donc pas encore promulgué.

  • Une des dispositions phares introduite dans ce projet de loi sur le marché du travail par les Députés lors de la séance publique du 6 octobre dernier est celle concernant la création d’un nouvel article L.1237-1-1 dans le Code du travail sur l’abandon de poste.

Nous avions d’ailleurs évoqué longuement cette nouvelle disposition lors de notre dernière Actu du mois d’octobre 2022, dont nous rappelons que les principaux objectifs poursuivis sont :

  • d’une part, que le salarié qui abandonne son poste ne puisse plus percevoir d’allocation chômage,
  • d’autre part, de limiter le recours des salariés à la pratique de l’abandon de poste lorsqu’ils souhaitent que leur relation de travail cesse.

Après plusieurs réécritures de l’article L.1237-1-1 du Code du travail, l’encadrement de l’abandon de poste est désormais confirmé par la Commission mixte paritaire comme suit :

« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

« Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine les modalités d’application du présent article. »

La légère modification de ce texte réside donc essentiellement dans le fait que l’employeur devra, dans sa mise en demeure, fixer un délai au salarié pour lui permettre de justifier de son absence ou de reprendre son poste de travail, à l’expiration duquel il sera présumé avoir démissionné, étant précisé que ce délai sera encadré puisqu’il ne « pourra être inférieur à un minimum fixé par Décret ».

Ainsi, la Commission mixte paritaire a confirmé ce nouveau mode de rupture par lequel l’employeur n’aurait plus à licencier un salarié en abandon de poste, puisque ce dernier serait présumé avoir démissionné. Finalement, il semblerait que cet abandon de poste devienne une forme de prise d’acte pour le salarié qui pourrait ensuite saisir le Conseil de prud’hommes pour inverser la présomption simple de démission.

Si la fixation d’un délai légal minimum au cours duquel le salarié doit justifier de son absence ou reprendre son poste de travail permet d’encadrer un peu mieux cette nouvelle procédure, de nombreuses questions essentielles restent néanmoins en suspens.

À cet égard, notamment, aucune précision n’a été apportée sur les conséquences en cas d’invalidation de la démission ou encore sur la marche à suivre lors de la fin du contrat de travail.

  • Une autre nouveauté, cette fois-ci introduite par les Sénateurs, a attiré notre attention, à savoir celle relative à l’incitation des bénéficiaires d’un CDD ou d’un contrat de mission à accepter le CDI qui leur est proposé sous peine de perdre le bénéfice de l’indemnisation chômage.

Cette nouvelle disposition a fait l’objet de nombreux débats, mais a finalement été retenue par la Commission mixte paritaire.

Le texte introduit deux dispositions, à savoir l’article L.1243-11-1 du code du travail applicable au salarié sous CDD, et l’article L.1251-33-1 du code du travail applicable au salarié sous contrat de mission.

Ces dispositions sont rédigées différemment. En effet :

  • Concernant le salarié sous CDD

Le texte de compromis prévoit que si ce dernier a refusé à deux reprises une proposition de CDI dans les douze derniers mois, il perd le bénéfice de son allocation chômage, dès lors que l’offre de CDI vise à occuper le même emploi, ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail.

  • Concernant le salarié sous contrat de mission

Le texte précise que si le salarié a refusé à deux reprises une proposition de CDI dans les douze derniers mois, il perd le bénéfice de son allocation chômage, dès lors l’offre de CDI vise à occuper le même emploi, ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail.

Il est néanmoins prévu deux exceptions à ces règles (applicables tant au salarié sous CDD qu’au salarié intérimaire) :

  • si le salarié a été employé dans le cadre d’un CDI au cours de la même période ;
  • ou si la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi si celui-ci a été élaboré antérieurement à la date du dernier refus pris en compte.

En outre, le texte précise que, concernant aussi bien le salarié sous CDD que le salarié intérimaire, l’employeur devra notifier la proposition d’un CDI par écrit au salarié et, en cas de refus du salarié, d’en informer Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.

Il résulte de ce texte que les garanties apparaissent moins importantes pour le salarié sous contrat de mission, puisque Pôle emploi devra uniquement examiner que les postes proposés visaient bien à occuper le même emploi, ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail.

Si cette nouvelle disposition dénote une nouvelle fois de la détermination du législateur de lutter contre la précarisation du monde du travail, elle pourrait néanmoins mettre en difficulté des salariés dont la volonté, eu égard leur mode de vie ou leur activité, est de préférer des contrats précaires plutôt qu’un CDI.

Également, cette nouvelle disposition fera peser une fois de plus sur l’employeur la responsabilité de la privation ou non des allocations chômage…

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