Devoir de mise en garde de la banque […]
31 mai 2023
Cass., Com, 4 janvier 2023, n°15-20.117
Dans son arrêt du 4 janvier 2023, la Cour de cassation affirme que le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal.
1. Le cadre légal
L’article 2299 du Code civil pose une obligation de mise en garde du créancier professionnel à l’égard de la caution personne physique, lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.
À défaut, le créancier sera déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.
2. Les faits
En l’espèce, quatre salariés avaient constitué une société holding afin d’acquérir la totalité des parts sociales de cette même société.
L’acquisition a été financée par le biais d’un prêt, pour lequel l’un des emprunteurs, gérant de la holding, se portait caution. Suite au redressement judiciaire et à la liquidation de la société, la banque assigne la caution en paiement des sommes dues.
Celle-ci lui oppose toutefois son manquement à son obligation de mise en garde, due au titre de sa qualité de gérant et de caution de la société holding, contre le caractère disproportionné du prêt consenti à cette société.
La Cour d’appel condamne la caution au paiement des sommes dues et rejette sa demande d’indemnisation au titre d’un défaut de mise en garde, au motif que la caution détenait une expérience de cinq ans au sein de son entreprise, qu’elle y exerçait les fonctions de responsable commercial et en avait doublé le chiffre d’affaires.
La caution se pourvoi en cassation. Elle soutient être profane en matière de rachat d’entreprises par recours à l’emprunt, et être donc créancière d’une obligation de mise en garde. En effet, elle considère que le seul fait d’avoir participé au développement de l’entreprise contrôlée par la société holding ne suffisait pas, à défaut d’avoir antérieurement des compétences dans ce type de société, à lui conférer la qualité d’emprunteur averti.
3. Avis de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette son pourvoi au motif que la société holding avait la qualité d’emprunteur averti, de sorte que la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde à son égard. Elle soutient en effet que le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal.
Or, bien que n’ayant pas exercé ses compétences dans une société holding avant l’opération litigieuse, la demanderesse était à même de mesurer, par les compétences acquises dans la société cible dont elle était salariée, le risque d’endettement né de l’octroi du prêt souscrit par la société holding, dont elle était le gérant, et qui dépendait des résultats de l’entreprise cible. La société holding, personne morale, devait donc être regardée comme ayant la qualité d’emprunteur averti et la banque n’était donc pas tenue d’un devoir de mise en garde à son égard.