Échéance du CDD d’un conseiller du salarié : la cour de cassation applique strictement les dispositions légales
8 octobre 2024
Cass. soc., 10 juillet 2024, n°22-21.856 FS-B
Dans un arrêt rendu le 10 juillet 2024, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence relative au statut protecteur du conseiller du salarié embauché sous CDD.
La Haute juridiction applique, en outre, strictement les dispositions légales en vigueur depuis la ratification des « ordonnances MACRON », en jugeant que l’employeur n’a pas à saisir l’inspection du travail à l’échéance du CDD en l’absence de clause de renouvellement.
RAPPEL DES FAITS A L’ORIGINE DU LITIGE
En l’espèce, le 1er mars 2019, un conseiller du salarié a été engagé, dans le cadre d’un CDD à temps partiel, à échéance du 31 juillet 2019, motivé par un accroissement temporaire d’activité.
Le contrat de travail ne comportait pas de clause de renouvellement.
Le 18 septembre 2019, le salarié contestait la rupture de son contrat de travail et saisissait, à ce titre, la juridiction prud’homale aux fins de solliciter les demandes suivantes :
- la requalification de son CDD à temps partiel en CDI à temps plein ;
- la nullité de la rupture du contrat de travail au titre de la violation de son statut protecteur ;
- la condamnation de l’employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires et d’indemnités, tant au titre de la requalification de son CDD en CDI que de la violation de son statut protecteur ainsi que de la rupture de son contrat de travail.
Plus précisément, le salarié faisait grief à son employeur de la violation du statut protecteur résultant, selon lui, de l’absence de saisine de l’inspection du travail avant le terme de son CDD conformément à l’article L.2421-8 du Code du travail.
La juridiction prud’homale et la Cour d’appel faisaient droit à la demande du salarié, considérant que l’avis de l’inspecteur du travail était requis.
L’employeur a alors formé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, soutenant que cette saisine de l’inspecteur du travail n’était pas requise puisque le CDD était motivé par un accroissement temporaire d’activité, de sorte qu’il n’entrait pas dans le champ d’application des dispositions de l’article L.2421-8 du Code du travail.
La chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel en raisonnant en deux temps.
CONFIRMATION DE LA JURISPRUDENCE RELATIVE A LA PROTECTION DU CONSEILLER DU SALARIE
Tout d’abord, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence relative au statut protecteur du conseiller du salarié engagé sous CDD.
À ce titre, rappelons qu’aux termes d’un arrêt du 7 juillet 2021 n°19-23.989, la chambre sociale s’était déjà prononcée quant au statut protecteur du conseiller du salarié embauché sous CDD.
Dans cette affaire, la Haute juridiction avait jugé que ce dernier bénéficiait de la protection prévue par l’article
L.2421-8 du Code du travail, de telle sorte qu’il revient à l’employeur de solliciter l’autorisation administrative pour rompre le contrat arrivé à son terme, et ce même si le conseiller concerné n’était pas visé par les dispositions susvisées.
La position de la Cour de cassation était justifiée par le fait que la recodification était opérée à droit constant.
Sur ce point, il convient de préciser qu’antérieurement aux réformes, l’ancien article L.412-8 du Code du travail prévoyait que le conseiller du salarié bénéficiait du statut protecteur – en procédant par un renvoi aux dispositions relatives au délégué syndical – de sorte qu’il revenait à l’employeur d’interroger l’administration avant de rompre le CDD arrivé à son terme.
Désormais, le Code du travail n’opère plus de renvoi au statut du délégué syndical, de sorte que c’est par le truchement de la codification à droit constant, en l’absence de disposition contraire, qu’il convient de considérer que la protection du conseiller du salarié n’était pas abrogée.
En définitive, aux termes de son arrêt du 10 juillet 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a donc, dans un premier temps, confirmé sa jurisprudence relative à ce statut protecteur.
APPLICATION STRICTE DES DISPOSITIONS LEGALES DU CODE DU TRAVAIL
Ensuite, la Haute juridiction apporte également une précision importante quant à l’application des dispositions légales issues des « ordonnances MACRON » concernant la saisine de l’inspection du travail à l’échéance des CDD.
Plus précisément, la question qui était soumise à la chambre sociale de la Cour de cassation était de savoir si l’employeur devait saisir l’autorité administrative au terme d’un CDD d’un conseiller du salarié ne comportant pas de clause de renouvellement ?
Pour mémoire, depuis la ratification des « ordonnances MACRON », l’article L.2421-8 du Code du travail a été modifié comme suit :
« Pour l’application de la protection prévue au dernier alinéa des articles L. 2412-2, L. 2412-3, L. 2412-4, L. 2412-5, L. 2412-8, L. 2412-9 et L. 2412-13, l’arrivée du terme du contrat de travail à durée déterminée n’entraîne sa rupture qu’après constatation par l’inspecteur du travail, saisi en application de l’article L. 2412-1, que le salarié ne fait pas l’objet d’une mesure discriminatoire.
L’employeur saisit l’inspecteur du travail avant l’arrivée du terme.
L’inspecteur du travail statue avant la date du terme du contrat. »
Au cas particulier, il convient de souligner que le dernier alinéa des articles L. 2412-2, L. 2412-3, L. 2412-4, L. 2412-5, L. 2412-8, L. 2412-9 et L. 2412-13 du Code du travail vise les contrats conclus sur le fondement du 3° de l’article L. 1242-2, de sorte que la saisine de l’autorité administrative se limite aux salariés recrutés sous CDD d’usages et CDD saisonniers et, en tout état de cause, uniquement lorsque l’employeur rompt le contrat avant son terme ou décide de ne pas renouveler le CDD, et ce en violation d’une clause de reconduction.
Toutefois, et malgré la modification des dispositions de l’article L.2421-8 du Code du travail qui semblent pourtant limpides, un doute subsistait quant à la saisine de l’autorité administrative à l’arrivée du terme d’un CDD sans clause de renouvellement.
C’est dans ce contexte juridique que la chambre sociale de la Cour de cassation a consacré l’application stricte des dispositions légales en vigueur depuis la ratification des « ordonnances MACRON ».
À ce titre, par un arrêt publié au Bulletin, la Cour de cassation précise que, dans le cas d’un CDD motivé par un accroissement temporaire d’activité sans clause de renouvellement, il n’est pas nécessaire pour l’employeur de saisir l’inspecteur du travail à l’échéance du contrat.
DES CONSEQUENCES NON NEGLIGEABLES POUR L’EMPLOYEUR
Cette décision clarifie un point de droit qui pouvait prêter à confusion, notamment en ce qui concerne les obligations de l’employeur vis-à-vis des salariés bénéficiant d’une protection particulière.
Les employeurs doivent désormais être attentifs à la nature du contrat de travail pour déterminer s’ils doivent ou non solliciter l’avis de l’inspecteur du travail.
En définitive, nous vous invitons à la plus grande vigilance s’agissant de l’arrivée du terme d’un CDD d’un salarié bénéficiant du statut protecteur, dont les conséquences peuvent être importantes.
En cas de méconnaissance des règles applicables à un tel statut, le salarié peut en effet prétendre à :
- la nullité de la rupture du contrat de travail ;
- une indemnité au titre de la violation du statut protecteur.