Focus sur la Loi Hamon : le droit de la rétraction des professionnels
5 mars 2025
FOCUS SUR LA LOI HAMON : LE DROIT DE RETRACTATION DES PROFESSIONNELS
En France, les consommateurs bénéficient des dispositions favorables du Code de la consommation lorsqu’ils concluent un contrat avec un professionnel. Ils peuvent notamment se prévaloir d’un droit de rétractation, leur conférant la faculté d’annuler, dans un délai de 14 jours, un contrat conclu :
- à distance (par internet ou par téléphone) ; ou
- hors établissement, c’est-à-dire « dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence » [1] (souvent à la suite d’un démarchage)
Avant 2014, certains professionnels bénéficiaient également de ce droit de rétractation, le législateur ayant reconnu que ces derniers peuvent, au même titre que les consommateurs, signer un contrat sans en comprendre pleinement toutes ses implications.
Toutefois, le droit de rétractation des professionnels ne s’appliquait qu’aux contrats qui n’étaient pas en rapport direct avec l’activité du professionnel. Or, dès lors qu’un contrat permettait au professionnel d’exercer son activité, les juges considéraient que ce contrat avait un rapport direct avec l’activité du professionnel, privant ainsi quasi-systématiquement les professionnels de leur faculté de se rétracter. Les professionnels restaient ainsi liés à des engagements contractuels mal compris et qui entraînaient de lourdes conséquences pour eux, notamment financières.
La loi n°2014-344 du 17 mars 2014, dite « loi Hamon » est donc venue étendre le droit de rétractation des professionnels, pour que ceux-ci puissent s’en prévaloir plus facilement.
L’article L.221-3 du Code de la consommation dispose désormais que le droit de rétractation s’applique « aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Ainsi, cette faculté de rétractation n’est accordée qu’à certains professionnels, lorsque le contrat a été conclu dans des conditions bien précises.
1° Un contrat conclu entre deux professionnels
Le droit de rétractation du professionnel ne s’applique que si ce dernier s’est engagé contractuellement auprès d’un autre professionnel.
2° Un contrat conclu par un petit professionnel
Pour qu’un professionnel puisse se prévaloir du droit de rétractation, celui-ci ne doit pas employer plus de 5 salariés.
Les juges semblent prendre en compte le nombre moyen de salariés au cours de l’année durant laquelle le contrat a été conclu[2].
3° Un contrat conclu hors établissement
Le professionnel dispose du droit de rétracter son engagement, mais uniquement pour les contrats conclus hors établissement. Le code de la consommation exige la présence physique simultanée des parties, dans un lieu différent de celui où le vendeur professionnel exerce de manière habituelle son activité.
Ainsi, à la différence des consommateurs, un professionnel ne peut se prévaloir du droit de rétractation si le contrat a été conclu à distance, par téléphone ou par internet.
4° Un contrat exclu du champ d’application de l’activité principale du professionnel
La loi Hamon a abandonné le critère du rapport direct à l’activité exercée par le professionnel, pour lui substituer celui de l’activité principale. Mais ce nouveau critère n’est pas défini par la loi. La Cour de cassation a d’ailleurs refusé de transmettre une QPC sur ce sujet[3], considérant que cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Ainsi, ce nouveau critère n’a pas manqué de susciter de nombreuses divergences jurisprudentielles. Par exemple, la Cour de cassation a pu considérer qu’un contrat d’insertion publicitaire dans un annuaire entrait dans le champ de l’activité principale d’une sophrologue[4] mais pas d’un chauffagiste[5].
Cette absence d’uniformité dans les décisions rendues entraîne donc une insécurité juridique chez les professionnels.
L’information du professionnel
A l’instar des consommateurs, le vendeur professionnel doit fournir à l’acheteur, de manière lisible et compréhensible, « les conditions, le délai et les modalités d’exercice [du droit de rétractation], ainsi que le formulaire type de rétractation ». [6]
Ce formulaire devra ensuite être envoyé au vendeur avant l’expiration du délai de 14 jours pour que la rétractation soit effective.
Exceptions au droit de rétractation
Tout comme les consommateurs, le droit de rétractation des professionnels est exclu pour certaines catégories de biens et services, telles que : les marchandises périssables, les biens confectionnés selon les spécifications de l’acheteur, les prestations de services d’hébergement ou encore les prestations de restauration[7].
Ainsi, si toutes ces conditions ne sont pas cumulativement remplies, le professionnel ne saurait se prévaloir d’un droit de rétractation. Si celui-ci souhaite annuler un contrat qu’il vient de conclure, il pourrait être contraint de payer des frais de résiliation anticipée.
[1] article L.221-1, I, 2° du Code de la consommation
[2] Cour d’appel de Lyon, 16 janvier 2020, n° 18/03175
[3] Cass. 1re civ., 1er juill. 2021, n° 21-40.008
[4] Cass. 1re civ., 29 mars 2017, n° 16-11.207
[5] Cass. 1re civ., 27 nov. 2019, n° 18-22.525
[6] Article L.221-5, I, 7° du Code de la consommation
[7] Article L.221-28 du Code de la consommation