La convention collective mentionnée dans le contrat de travail […]
20 juillet 2023
La convention collective mentionnée dans le contrat de travail vaut reconnaissance irréfragable de son applicabilité dans la relation individuelle
Cass. soc. 5 juillet 2023, n°22-10.424, publié au Bulletin
La convention collective applicable aux salariés est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur (article L2261-2 du code du travail).
Le critère de l’activité économique principale de l’entreprise est en effet déterminant dans l’identification de la convention collective applicable aux relations collectives du travail (Cass. soc., 13 mars 2013, n°11-27.854).
Seule l’activité réelle de l’entreprise prévaut, et ce, quelles que soient les mentions contenues dans les statuts de la société (Cass. soc., 16 nov. 1993, n°90-44.807 publié au Bulletin).
La prédominance de ce critère ne concerne toutefois que les relations collectives de travail.
Qu’en est-il des relations individuelles ?
Si l’activité réelle de l’entreprise détermine en principe la convention collective applicable, il avait été d’abord admis, au visa de la directive n°91/533 du 14 octobre 1991 et de l’ancien article R143-2 [devenu R3243-1] du Code du travail imposant à l’employeur de porter la convention collective applicable à la connaissance du salarié, que sa mention sur le bulletin de paie vaut reconnaissance de son application à l’entreprise dans les relations individuelles (Cass. soc. 18 nov. 1998, Sct hôtelière cognacaise c./ Mme Mazif).
Il s’agissait là d’une présomption irréfragable qui, du fait d’un revirement de jurisprudence poussé par le droit communautaire, a été ensuite mutée en une présomption simple pouvant être combattue par l’employeur (Cass. soc., 15 nov. 2007, n°06-44.008, publié au Bulletin).
En revanche, la mention d’une convention collective dans le contrat de travail suffit à l’appliquer au salarié, et ce, peu importe l’activité principale de l’entreprise (Cass. soc., 16 mai 2012, n°11-11.100, publié au Bulletin)
Le 5 juillet dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt s’inscrivant dans la continuité de sa jurisprudence laquelle distingue :
- la détermination de la convention collective applicable selon qu’il s’agisse de relations collectives ou de relations individuelles de travail ;
- la nature de la présomption d’applicabilité d’une convention collective dans le cas où elle est mentionnée sur le bulletin de paie ou lorsqu’il lui est fait référence dans le contrat de travail.
I. Les faits et la procédure
Le 1er janvier 2014, un salarié a été engagé en qualité de reporter-photographe par contrat de travail à temps partiel dans lequel il était fait référence à la convention collective des agences de presse.
La société employait en effet des reporters-photographes pour se constituer une banque d’images dans le domaine des courses hippiques et vendre les reportages réalisés à différents clients.
Au regard de son activité principale, la convention collective nationale des journalistes était donc appliquée au salarié, nonobstant les mentions portées à son contrat.
En 2017, ce dernier saisissait la juridiction prud’hommale de demandes se rapportant à l’exécution de son contrat de travail.
Au soutien de ces prétentions, il invoquait l’application de la convention collective des agences de presse qui était mentionnée dans son contrat de travail.
En appel, les juges ont estimé qu’ils devaient apprécier concrètement la nature de l’activité principale exercée et que la seule mention dans le contrat de la convention collective des agences de presse ne suffisait à permettre son application.
Ainsi, le salarié s’est pourvu en cassation invoquant une violation de l’article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 (« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »).
II. La force obligatoire du contrat dans la détermination de la convention collective applicable à la relation individuelle de travail
La Cour de cassation accueille le pourvoi du salarié et censure la décision des juges d’appel en application du principe de la force obligatoire du contrat.
La Haute juridiction rappelle, dans un premier temps, que dans les relations collectives, il est fait application d’une seule convention collective laquelle est déterminée par le critère de l’activité économique principale de l’entreprise.
Dans un second temps, elle rappelle également qu’au niveau individuel, le salarié peut demander l’application de celle qui est mentionnée dans le contrat de travail, en précisant le cas échéant que cette référence vaut reconnaissance de son application.
Dans ces conditions, les magistrats de la Cour de cassation :
- jugent qu’en retenant le critère de l’activité principale de l’entreprise pour estimer que le salarié était soumis à la convention collective du travail des journalistes, la Cour d’appel a violé le principe de la force obligatoire du contrat ;
- relèvent que la mention dans le contrat de travail de la convention collective des agences de presse équivaut à la reconnaissance de son applicabilité à l’endroit du salarié.
III. La portée
Autrement-dit, l’inscription d’une convention collective dans le contrat de travail oblige l’employeur à l’appliquer au salarié qui en fait la demande sauf si les parties conviennent d’un commun accord de l’écarter conformément au corolaire de la force obligatoire du contrat : le principe du mutus dissensus (« ce que les parties ont fait conjointement, elles peuvent le défaire de la même manière »).
Par cet arrêt, la Cour est restée fidèle à sa jurisprudence (Cass. soc., 16 mai 2012, n°11-11.100, publié au Bulletin ; Cass. soc., 4 mars 2020, n°18-11.584, Inédit).