La garantie légale contre l’éviction : conditions de mise en jeu
1 janvier 2023
Cass., com, 16 novembre 2022, n°21-13.561
Dans son arrêt du 16 novembre 2022, la Cour de cassation se prononce sur les conditions de mise en jeu de la garantie d’éviction dans un contrat de cession.
- Le cadre légal
L’article 1626 du Code civil dispose que :
« Quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente. »
- Les faits
Une SAS fait l’acquisition de parts sociales de deux sociétés spécialisées dans l’outillage pneumatique pour la maintenance automobile.
Le prix est fixé selon une clause de « earn out », qui prévoit le paiement d’une partie du prix lors de la cession, et d’un complément versé en fonction des résultats de la société cédée au cours des trois exercices suivants.
Afin d’assurer une bonne transition dans la gestion des sociétés cédés, les cédants deviennent cadres d’une d’entre elles. L’acte de cession prévoyait alors une clause de non-concurrence et de non-rétablissement des cédants, et les contrats de travail prévoyaient une clause de non-concurrence et d’exclusivité.
Suite à un litige survenu entre les parties concernant le paiement du prix, les cédants assignent la SAS en paiement du complément de prix prévu dans l’acte de cession.
La SAS forme quant à elle une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts, invoquant la violation par les cédants de leur obligation de non-concurrence et de leur obligation légale de garantie contre l’éviction.
La Cour d’appel de Lyon rejette les demandes reconventionnelles de la SAS considérant que la garantie d’éviction était inapplicable, la société n’ayant pas été en mesure de justifier d’une restriction de son activité économique par le fait des activités des cédants.
La SAS se pourvoit en cassation au motif que le cessionnaire des actions d’une société est fondé à se prévaloir de la garantie légale d’éviction, qui interdit au cédant tout agissement ayant pour effet de l’empêcher de poursuivre l’activité économique et de réaliser l’objet social de la société cédée.
- L’avis de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt au motif qu’il résulte du texte précité que la garantie légale d’éviction entraîne, pour le cédant des parts d’une société, l’interdiction de se rétablir si ce rétablissement est de nature à empêcher l’acquéreur de ces parts de poursuivre l’activité économique de la société cédée et de réaliser l’objet social.
Pour rejeter la demande reconventionnelle de la société cessionnaire au titre de la garantie légale contre l’éviction, la Cour d’appel a retenu que la société est dans l’incapacité de justifier d’une quelconque restriction de sa propre activité économique par le fait des activités poursuivies par le cédant.
Se faisant la Cour d’appel n’a pas fait une correcte application de la garantie légale d’éviction.
En effet, cette restriction ne doit pas s’apprécier au regard de l’activité de la société cessionnaire. Il s’agit au contraire d’apprécier l’empêchement pour l’acquéreur de poursuivre l’activité économique de la société cédée et de réaliser son objet social, ces activités pouvant être distinctes.