La nécessaire franchise du franchiseur
29 novembre 2023
Par un arrêt de principe rendu le 18 octobre, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé qu’au titre de son obligation d’information précontractuelle, le franchiseur n’est pas tenu de fournir une étude du marché local au franchisé mais, s’il lui en fournit une, elle doit être sincère, sauf à engager sa responsabilité. (Cass. com. 18 octobre 2023, n° 22-19.329)
Dans cette affaire, les prévisions de l’étude du marché local réalisée par le franchiseur ont été jugées exagérément optimistes et le franchiseur a été condamné à verser au franchisé, placée en liquidation judiciaire, la somme de 51.000 € à titre de dommages et intérêts.
Il a en effet été retenu que le franchisé ne disposait pas de la compétence suffisante pour évaluer les chiffres d’affaires potentiels, tandis que le franchiseur connaissait parfaitement les chiffres d’affaires réalisés par ses magasins dans des zones comparables en fonction des effectifs et des ventes réalisées.
Cette décision est l’occasion de revenir sur les obligations des parties en matière de contrat de franchise, lequel est librement négocié par les parties dans la limite du cadre légal applicable.
1 – Sur l’information précontractuelle du franchiseur au franchisé
L’article L 330-3, alinéa 1er, du code de commerce dispose que :
« Toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause. »
Le contenu de ce document d’information précontractuelle (DIP) est encadré par l’article R 330-1 du même code.
A ce titre, le franchiseur doit notamment fournir une « présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ».
Pour autant, le franchiseur n’a aucune obligation de remettre au candidat à l’adhésion une étude du marché local, ce qu’a déjà pu juger la Cour de cassation.
Toutefois, lorsqu’une telle information est donnée, l’article L 330-3 du Code de commerce met à la charge du franchiseur une présentation sincère du marché local.
De même, les comptes prévisionnels fournis par le franchiseur alors qu’il n’y est pas tenu doivent être sérieux et sincères (Cass. com. 12 mai 2021, no 19-17.701).
2 – Les autres obligations du franchiseur
Obligation de transmettre un savoir-faire
Le franchiseur doit obligatoirement transmettre un savoir-faire au franchisé.
Le savoir-faire peut être défini comme un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur.
Pour qu’un franchiseur puisse valablement mettre à disposition un savoir-faire, il doit l’avoir lui-même mis au point et testé au préalable. Une franchise ne peut être mise en place que si le franchiseur a exploité son concept avec succès pendant une durée raisonnable sur au moins un établissement.
- Attention :
Le contrat de franchise contient habituellement une clause de non-réaffiliation empêchant le franchisé, après résiliation de son contrat, de se réaffilier à un réseau concurrent.
Cette clause, souvent très contraignante pour le franchisé, ne sera toutefois valable qu’à la condition qu’elle concerne les biens ou services objet du contrat, qu’elle soit limitée au local à partir duquel le franchisé exerçait son activité, qu’elle soit limitée à un an et que le franchiseur rapporte la preuve de son savoir-faire.
En l’absence de démonstration d’un véritable savoir-faire, la clause de non-réaffiliation n’aura aucun effet.
Obligation de mettre à disposition des signes distinctifs
Le franchiseur a également l’obligation de permettre au franchisé d’exploiter sa marque et donc mettre à sa disposition des signes distinctifs : une enseigne, un brevet, une marque…
Le franchiseur doit garantir au franchisé la jouissance paisible des signes distinctifs qui lui sont transmis mais doit également protéger sa marque en intentant par exemple des actions en contrefaçon en cas d’usage frauduleux de celle-ci.
Obligation d’assistance continue envers le franchisé
Le franchiseur a par ailleurs l’obligation d’assister le franchisé jusqu’à la fin du contrat.
Habituellement, le contrat de franchise prévoit les modalités d’exécution de cette obligation qui peut prendre plusieurs formes :
- Dispense de formations sur l’exploitation de la marque ;
- Assistance technique et commerciale (campagnes de publicité communes etc.) ;
- Mise en place de services communs tels qu’une centrale d’achat ou la mise à disposition d’un site internet unique, etc.
3 – Les sanctions
En cas de manquement du franchiseur aux obligations précitées, le franchisé peut demander l’annulation du contrat de franchise si le manquement a vicié son consentement ou encore la résolution du contrat.
La responsabilité du franchiseur peut également être recherchée en cas de préjudice.
Si sa responsabilité est engagée, il devra s’acquitter de dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi par le franchisé.
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Afin d’assurer la validité du contrat de franchise, il doit impérativement être rédigé conformément à la règlementation légale imposée par le Code de commerce mais également par le Code de déontologie européen de la franchise, lequel fixe avant tout certaines règles de « bonne conduite » entre franchiseurs et franchisés.