La nullité suppose une restitution, la responsabilité des dommages-intérêts !
31 mars 2024
On ne le répètera jamais assez : La nullité suppose une restitution, la responsabilité des dommages-intérêts !
Nullité du contrat, restitution, préjudice, dommages-intérêts… Chaque notion juridique a une définition bien à elle, qui recouvre une réalité propre et engendre des conséquences particulières. Pourtant, les confusions sont fréquentes, y compris chez les juristes et les magistrats, car il arrive souvent que ces notions soient mobilisées pour des situations similaires.
C’est pourquoi il arrive que la Haute Cour doive procéder à des rappels. Ce qu’elle fait dans une récente décision du 20 décembre dernier (1) en matière de droit de la consommation et à l’occasion de laquelle elle revient sur la différence fondamentale entre demande en nullité du contrat et demande en réparation d’un préjudice.
Chaque notion juridique a une définition bien à elle, qui recouvre une réalité propre et engendre des conséquences particulières.
- L’AFFAIRE ÉTAIT LA SUIVANTE.
En 2017, un couple de particuliers souhaite se faire installer des panneaux photovoltaïques et un chauffe-eau. Ils concluent alors un contrat avec une entreprise pour la fourniture, l’installation et la mise en service des panneaux photovoltaïques et du chauffe-eau pour un prix total de 10 800 euros.
Pour financer cet achat, ils souscrivent parallèlement à un crédit auprès d’une banque.
Après avoir constaté une irrégularité dans le contrat qui le liait à son vendeur, le couple assigne le vendeur et la banque pour que le juge constate la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.
La Cour d’appel de Nîmes (2) prononce la nullité des deux contrats et, en conséquence, condamne le vendeur à :
- Récupérer à ses frais tous les éléments en lien avec l’installation des panneaux photovoltaïques,
- À payer les frais de remise en état,
- À garantir le couple du paiement à la banque des sommes prêtées, et
- À payer la somme de 10 800 euros au titre de dommages-intérêts. La Cour de cassation va casser l’arrêt en ce qu’il condamne le vendeur au paiement de la somme de 10 800 euros au titre de dommages-intérêts. Cette somme correspondant en réalité au prix de vente du contrat frappé de nullité, la Cour réforme l’arrêt d’appel et condamne le vendeur au paiement de la même somme à titre de restitution du prix de vente, et non de dommages-intérêts, car « la restitution à laquelle un contractant est condamné à la suite de l’annulation d’un contrat ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable » (3).
- Pourquoi la Cour de cassation a-t-elle requalifié la condamnation du vendeur ?
L’action en nullité du contrat, qui ouvre droit à restitution, est différente et doit être dissociée de l’action en réparation qui permet l’octroi de dommages-intérêts.
Par l’action en nullité d’un contrat, une personne conteste la validité du contrat : le contrat comporte un défaut tel qu’il n’aurait jamais dû être conclu. En effet, pour qu’un contrat soit valable en droit, il doit nécessairement répondre à trois exigences :
(i) Le consentement non vicié des parties ;
(ii) La capacité pour les parties de contracter ;
(iii) Un contenu licite et certain.
À défaut de pouvoir réunir ces trois éléments, le contrat est nul.
Des textes de loi spécifiques peuvent préciser certaines hypothèses dans lesquelles les contrats conclus sont frappés de nullité. C’est le cas du Code de la consommation qui prévoit par exemple qu’un professionnel a l’obligation de fournir au consommateur un exemplaire du contrat sur un support durable auquel est attaché le formulaire de rétractation lorsque le contrat est conclu hors établissement (5).
La conséquence de la nullité est que le contrat est réputé n’avoir jamais existé (6), les parties et les choses sur lesquelles portent ce contrat doivent être remises dans leur situation antérieure à sa conclusion (7). La nullité a donc un effet rétroactif.
Evidemment, le retour dans le passé n’existe pas, c’est pourquoi l’annulation d’un acte donne lieu à restitution des prestations exécutées en vertu du contrat annulé ou, lorsque ce n’est pas possible, à compensation. Le but étant de défaire tout ce qui a été fait en application de l’acte annulé.
L’article 1352 du Code civil prévoit ainsi que : « La restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution ».
À l’inverse, l’action en réparation vise à compenser la survenance d’un préjudice, d’un tort subi par une personne du fait d’autrui. Cette action peut se fonder sur l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat ou sur la loi.
En matière extracontractuelle, la loi dispose de manière générale que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (8).
Pour pouvoir demander réparation d’un préjudice subi il faut donc qu’il y ait eu :
- Une faute
- Un préjudice/dommage
- Un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
La notion de préjudice est assez large. Il peut être une atteinte à l’intégrité physique de la personne qui le subi (préjudice corporel), une atteinte à ses bien ou ses économies (préjudice patrimonial), ou encore à ses sentiments (préjudice moral).
L’indemnisation du préjudice peut se faire par le paiement d’une somme d’argent (ce sont les dommages-intérêts) ou en nature (c’est-à-dire par la réalisation d’une prestation).
Ces deux actions, si elles sont bien à distinguer, ne sont pas exclusives l’une de l’autre. En effet, l’exécution d’un contrat annulé a posteriori a pu, par ailleurs, causer un préjudice. La demande en réparation est alors nécessairement fondée sur les principes de la responsabilité extracontractuelle puisque, le contrat nul est réputé n’avoir jamais existé, il ne peut donc pas servir de fondement à une action en réparation.
Lorsque qu’une personne souhaite demander au juge des dommages-intérêts en plus de l’annulation d’un contrat et de sa restitution, il faut donc que cette demande ne tende pas à compenser la disparition du contrat, mais à indemniser la survenance d’un dommage distinct qui résulte d’une faute.
Or, dans l’affaire commentée, la condamnation du fournisseur au paiement de la somme de 10 800 euros n’était que le remboursement au couple du prix de la vente annulée, sa conséquence logique.
La distinction est importante, car le juge est tenu par les demandes qui lui sont faites, il est donc extrêmement important de savoir les qualifier pour que le juge puisse y faire droit.
- EN RÉSUMÉ
Action en nullité du contrat
Fondement : Articles 1178 et suivants du code civil (sur le principe de nullité du contrat) / Articles 1352 et suivants du Code civil (sur la restitution)
But recherché : Disparition des effets du contrat vis-à-vis des personnes et des choses, retour à la situation antérieure à la conclusion du contrat.
Conséquence : Restitution des prestations réalisées en application du contrat, que cette restitution se fasse en nature ou en valeur.
Action en réparation
Fondement : Articles 1217 et suivants du Code civil (sur la responsabilité contractuelle) / Articles 1240 du Code civil (sur la responsabilité extracontractuelle)
But recherché : Réparation d’un préjudice subi du fait d’une personne ou d’une chose.
Conséquence : Réparation en nature (injonction de faire ou ne pas faire) et/ou octroi de dommages et intérêts.
(1) Cass., 1re civ., 20 décembre 2023, n°21-16.491
(2) Nîmes, 18 mars 2021, n°19/02900
(3) Cass., 1re civ., 20 décembre 2023, n°21-16.491
(4) Article 1128 du Code civil
(5) Articles L.221-9 et L.242-1 du Code de la consommation
(6) Article 1178 du Code civil
(7) Cass., 3e civ., 2 octobre 2002, 01-02.924
(8) Article 1240 du Code civil