La preuve de la livraison en matière de vente mobilière

Dans une décision récente du 26 juin 2024 (Cass.com, 26 juillet 2024, n° 22-24.487), la chambre commerciale de la Cour de cassation énonce que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de titre à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique tel que la livraison d’une vente mobilière.

De ce fait, la preuve de la livraison, en matière de vente mobilière, peut se faire par tout moyen et relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Une question particulièrement intéressante en matière de relations d’affaires établies entre une société et un fournisseur qui ont des rapports constants et historiques.

 

  • Contexte Juridique

La question est de savoir si, en matière de vente mobilière, la preuve de la livraison peut se faire par tout moyen. Dans ce cas précis, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de titre à soi-même, conformément à l’article 1363 du Code civil, ne serait pas applicable et l’admission de la preuve relèverait donc de l’appréciation souveraine des juges du fond. De ce fait, un bon de livraison non signé par le client pourrait être reconnu comme une preuve de livraison par le juge, appréciant de façon souveraine.

 

  • L’Arrêt de la Cour de cassation

Un entrepreneur en procédure de redressement judiciaire avait ouvert un compte client auprès d’une société. Ladite société ayant obtenu une ordonnance d’injonction de payer au titre de créances impayées. Dans le cadre de la procédure collective, cette créance fut déclarée et inscrite au passif de l’entrepreneur, mais celui-ci la conteste. La société présentait vingt-cinq bons de livraison, mais seulement cinq d’entre eux étaient signés par l’entrepreneur en redressement. Parmi ces bons, certains ne comportaient aucune signature et d’autres présentaient un « gribouillis » ou des « dessins obscènes » (!!!).

Le débiteur soulève alors l’article 1363 du Code civil, selon lequel nul ne peut se constituer de titre à soi-même, car il était seule habilitée à signer les bons de livraison. La Cour ne pourrait donc admettre la valeur probante des pièces produites par la société.

Toutefois, la Cour de cassation relève que l’entrepreneur se fournissait depuis de nombreuses années auprès de la société, que celle-ci fournissait un compte client certifié conforme en ses livres et que plusieurs bons de livraison comportaient la signature de l’entrepreneur. De plus, l’entrepreneur s’était déjà acquitté du paiement de bons ne comportant pas sa signature. La chambre commerciale de la Cour de cassation rejette donc le pourvoi de l’entrepreneur et retient la valeur probante des pièces fournies par la société.

 

  • Implications Pratiques

En statuant en ce sens, la Cour de cassation laisse la libre appréciation de la valeur probante des pièces produites aux juges du fond et écarte le principe selon lequel, nul ne peut se constituer de livraison à soi-même (article 1363 du Code civil).

De ce fait, en matière de preuve de vente mobilière, les parties au contrat pourront apporter tout élément de preuve détenu en leur possession, tel qu’un bon de livraison non signé.

 

  • La preuve de la livraison en matière de vente mobilière

Cette jurisprudence a un impact significatif sur les relations d’affaires établies entre deux cocontractants. En effet, lorsque deux sociétés ont des rapports contractuels constants et historiques, il est nécessaire de rester très vigilant quant à la preuve de la livraison de biens meubles. Les juges du fonds, appréciant souverainement et écartant le principe selon lequel nul ne peut se constituer de titre à soi-même, pourraient admettre la force probante de tout élément de preuve fourni par un cocontractant. Une vigilance à renforcer, particulièrement lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre d’une société et que ses créanciers déclarent leurs créances à ladite procédure.

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