La signature d’un accord prévoyant la mise en place d’un PSE

La signature d’un accord prévoyant la mise en place d’un PSE conclu par une directrice générale qui n’en a pas le pouvoir peut être régularisé en cours de procédure avec effet rétroactif

 

Conseil d’État, 3 avril 2024, n°465582.

Il est incontestable que la validité des PSE est soumise à une législation complexe et exigeante pour les entreprises et susceptible, par conséquent, de générer des difficultés et défis pratiques pour ces dernières.

Une décision récente du Conseil d’état, en date du 3 avril dernier, offre de nouveaux éclairages sur les règles encadrant les PSE, et plus précisément sur la possibilité de régulariser un accord signé par une personne non autorisée à le faire initialement.

Revenons tout d’abord sur les circonstances ayant mené à cet arrêt.

Il y a trois ans, la Fédération Française de Football (FFF) envisageait une restructuration pour motif économique visant à supprimer 22 postes de travail.

C’est dans ce contexte qu’un plan de sauvegarde de l’emploi a été mis en place par la voie d’un accord majoritaire qui a été signé le 13 juillet 2021 entre la directrice générale de fédération et le délégué syndical représentant le Syndicat national des administratifs et assimilés du football-CFDT.

Par une décision du 16 juillet 2021, la DIRECCTE a validé cet accord.

Neuf salariées ont par suite saisi le Tribunal administratif de Paris aux fins de solliciter l’annulation de cette décision, estimant que la directrice générale n’avait pas qualité pour signer un tel accord collectif.

Par un jugement du 10 décembre 2021, le Tribunal annulait, sur ce fondement, la décision de la DIRECCTE.

La FFF interjetait appel devant la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris, et régularisait entre temps la situation puisque le 27 janvier suivant (soit plus de 6 mois après la signature de l’accord litigieux), elle faisait ratifier cet accord par le comité exécutif.

Le 6 mai 2022, la CAA de Paris annulait le jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris.

Les salariées se sont alors pourvues en cassation devant le Conseil d’État.

  • Les requérantes faisaient principalement valoir que la directrice générale n’avait pas qualité pour conclure l’accord collectif valant PSE.

 

À ce titre, elles rappelaient que le règlement financier de la FFF prévoit notamment que « le Comité Exécutif détient les pouvoirs de direction et assure l’administration de la Fédération » et que « le Directeur général assume la gestion du personnel en respectant le budget préparé en concertation avec le Trésorier Général et voté par l’Assemblée Fédérale. À ce titre, il dirige l’ensemble du personnel de la Fédération. Il a tout pouvoir pour embaucher, licencier, définir la politique salariale ».

Les statuts stipulent en outre que « le Directeur Général reçoit délégation générale pour signer tous les documents qui concourent au fonctionnement courant de la Fédération, à l’exception des engagements à valeur contractuelle dépassant un montant fixé par le Comité Exécutif ».

Selon un compte-rendu du COMEX du 7 septembre 2017, le Directeur général ne pouvait engager contractuellement la FFF qu’à hauteur de 300.000 €. Au-delà, l’autorisation du comité exécutif est requise.

Le coût du PSE étant évalué à 2,8 millions, une telle autorisation apparaissait donc nécessairement requise en l’espèce, ce que n’avait pas sollicité la directrice générale avant de signer l’accord collectif.

Cet argument n’a pourtant pas emporté la conviction de la CAA de Paris qui a relevé que si seul le comité exécutif de la FFF était habilité à autoriser les engagements à valeur contractuelle dépassant un montant qu’il a fixé, par une décision du 7 septembre 2017, à 300 000 euros, ce même comité a, par une délibération du 27 janvier 2022, expressément ratifié l’accord majoritaire fixant le coût du PSE.

Elle admet ainsi le bien fondé de la régularisation opérée par la FFF à cette date.

En se fondant à la fois sur les dispositions du Code du travail relatives à la mise en place d’un PSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés et à celles du Code civil relatives aux conditions de validité des contrats et aux obligations du mandant, le Conseil d’État estime que la CAA de Paris n’a commis aucune erreur de droit.

La Haute juridiction estime, en effet – et c’est ici que réside l’apport principal de cet arrêt – que la signature, pour le compte de l’employeur, d’un accord collectif majoritaire portant PSE, par un mandant, au-delà du pouvoir qui lui a été donné, peut faire l’objet d’une régularisation avec effet rétroactif par la voie d’une ratification expresse ou tacite de cet accord par l’organe habilité, y compris lorsque cette ratification intervient postérieurement à la décision de l’autorité administrative validant ce même accord, pour autant que les règles statutaires de la personne morale employeur n’y fassent pas obstacle.

En l’occurrence, les dispositions statutaires régissant la répartition des pouvoirs au sein de la FFF ne faisaient pas obstacle à une telle régularisation, de sorte que cette dernière apparaissait parfaitement valable.

Le pragmatisme dont a fait preuve le Conseil d’État ne peut qu’être félicité.

Cette décision – bien qu’adoptée dans un contexte particulier puisque l’on était en présence dans cette affaire d’une fédération bénéficiant du statut d’association telle que régie par la loi du 1er juillet 1901 – devrait pouvoir s’appliquer aux entreprises de droit privé ; celles-ci pouvant être confrontées elles-aussi à la même problématique que la FFF lorsque c’est par exemple le DRH (ou le DAF) qui signe l’accord majoritaire dans le cadre d’un PSE et qu’il s’avère que ce dernier n’a pas qualité pour agir en ce sens.

  • Les requérantes prétendaient, par ailleurs, que la procédure d’information et de consultation du CSE était irrégulière.

 

Elles estimaient en effet que le CSE n’avait pas eu communication des éléments utiles quant au réel motif économique de la réorganisation dès lors que les courriers adressés à des salariés après l’homologation du PSE, pour les informer des modalités d’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), avaient fait mention d’un autre motif économique (à savoir la sauvegarde de la compétitivité) que celui figurant dans les documents qui lui avaient été transmis, lequel visait les difficultés économiques et financières de la fédération.

À l’instar de la CAA, le Conseil d’État considère que cet argument est parfaitement inopérant ; une telle circonstance n’étant pas de nature à établir que la procédure avait été entachée d’irrégularité.

Et pour cause, il apparaissait que la fédération n’avait jamais cherché à induire le CSE en erreur, que ce soit en dissimulant certains éléments ou en falsifiant des données. Ainsi, la procédure de consultation du CSE était parfaitement régulière.

La position de la Haute juridiction sur les deux problématiques présentées par les requérantes permet ainsi d’assurer la sécurité du PSE, ce qui est une excellente chose, ce d’autant plus lorsque l’on sait que la mise en œuvre d’une telle procédure est particulièrement lourde pour l’employeur.

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