La sous-location des locaux commerciaux
28 avril 2023
Par un arrêt récent, la Cour de cassation a rappelé que :
- Une sous-location commerciale irrégulière ne cause pas à elle seule un préjudice au bailleur, lequel ne peut ainsi agir en responsabilité à l’encontre du locataire. (Cass., com., 8 mars 2023, n°20-20.141)
Cette décision inédite est l’occasion de revenir sur les conditions de validité d’une sous-location en matière de baux commerciaux et les rapports complexes entre le bailleur, le locataire principal et le sous-locataire.
1 – Les conditions pour sous-louer un local commercial
L’article L 145-31 du code de commerce pose un principe d’interdiction de la sous-location : « Sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite. »
Il s’agit ainsi d’un régime dérogatoire au droit commun puisqu’au termes de l’article 1717 du code civil, la sous-location d’un bail est autorisée par principe.
En matière commerciale, sous-location demeure possible, sous réserve :
- que le bailleur autorise cette sous-location (a),
- que le bailleur soit invité à concourir à l’acte (b).
Ces deux conditions, prévues à l’article susvisé, sont cumulatives, la Cour d’appel de Paris ayant eu l’occasion de rappeler que la clause d’un bail commercial prévoyant que le locataire fera son affaire personnelle des sous-locations ne le dispense pas d’appeler le bailleur à concourir à l’acte de sous-location. (CA Paris, 26 février 2020, n° 18/05192)
(a) L’autorisation du bailleur peut être écrite : Elle peut notamment être prévue dans le contrat de bail ou fait faire l’objet de la rédaction d’un avenant.
(Attention : En cas de renouvellement du bail commercial, l’autorisation de sous-louer doit être reproduite dans le contrat du bail renouvelé.)
Elle peut également être tacite, lorsqu’elle résulte d’une attitude claire et non équivoque du bailleur. Par exemple, une autorisation expresse donnée par le bailleur au sous-locataire de réaliser des travaux vaut accord tacite de la sous-location.
(b) Le bailleur doit par ailleurs être invité à concourir à l’acte et donc être informé des conditions du contrat de sous-location et de l’identité du sous-locataire.
En pratique, le locataire doit faire connaître au propriétaire son intention de sous-louer par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Dans les 15 jours de la réception de cet avis, le bailleurs doit faire connaître s’il entend concourir à l’acte et en l’absence de réponse du bailleur, son accord est considéré comme donné.
2 – Les rapports entre le bailleur, le locataire principal et le sous-locataire
a) Les rapports entre le locataire principal et le sous-locataire
Les rapports entre le locataire et le sous-locataire relèvent, pour l’essentiel, des règles régissant les rapports entre un bailleur et son locataire.
Le locataire principal ne peut toutefois conférer à son sous-locataire plus de droits qu’il n’en détient lui-même.
S’agissant de la durée de la sous-location, elle ne peut être d’une durée supérieure à la durée résiduelle du bail principal, la Cour de cassation ayant donc logiquement reconnu qu’elle pouvait être d’une durée inférieure au bail principal (Cass., 3ème civ., 17 mars 2016, nº 14-24.748)
Les activités exercées par le sous-locataire doivent par ailleurs être identiques à celles exercées par le locataire principal, sauf autorisation expresse du bailleur.
b) Les rapports entre le bailleur et le locataire principal
Le bailleur pourra demandé au locataire principal le réajustement du montant du loyer principal lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale.
Il peut donc demander une augmentation égale au montant du dépassement.
Du côté du locataire principal, celui-ci reste tenu à l’égard du bailleur des dégradations commises pas le sous-locataire comme s’il occupait lui-même les locaux et demeure tenu du paiement de ses propres loyers.
Il est par ailleurs important de noter que, s’il a consenti une sous-location totale des locaux, le locataire principal perd son droit au renouvellement du bail, lequel est conféré au sous-locataire.
En cas de sous location irrégulière, le bailleur pourra agir à l’encontre de son locataire principal et demander :
- soit l’acquisition de la clause résolutoire si la sous-location est sanctionnée par ladite clause dans le contrat de bail,
- soit la résiliation judiciaire du bail principal (, 3èmeciv., 12 mars 2002, n°97-20.472), le manquement été considéré comme suffisamment grave pour justifier une résiliation.
La résiliation du contrat de bail emportera la résiliation du contrat de sous-location.
Le bailleur pourra également refusé le renouvellement du bail.
c) Les rapports entre le bailleur et le sous-locataire
En principe, il n’existe pas de lien de droit direct entre le bailleur et le sous-locataire.Le bailleur dispose néanmoins, ainsi que le rappelle la Cour de cassation, d’une action directe contre le sous-locataire en cas de non-paiement du loyer principal, dans la limite du sous-loyer en vertu de l’article 1753 du code civil (Cass., 3ème civ., 19 février 1997, n° 95-12.491, publié au bulletin)
Le sous-locataire disposera quant à lui d’un droit au renouvellement qu’il pourra exercer directement à l’encontre du bailleur.
En cas de sous-location irrégulière, le bailleur ne peut ni demander l’annulation du contrat de sous-location, ni agir directement en expulsion contre le sous-locataire (Cass., 3ème civ., 1 février 2012, n°10-22.863, n°10-23.818 et n°11-10.027, publié au bulletin).
Il ne pourra donc agir qu’à l’encontre de son locataire principal.
Toutefois, si le bailleur obtient la résiliation du contrat de bail et que le sous-locataire se maintient dans les lieux, le bailleur pourra bien entendu agir directement à l’encontre de ce dernier et ainsi obtenir son expulsion pour occupation sans droit ni titre.
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Aux termes de l’arrêt de la Cour de cassation daté du 8 mars 2023, le bailleur réclamait au sous-locataire, pourtant tiers complice de la violation du bail, la réparation de son préjudice, notamment constitué par la perte des sous-loyers qu’il estimait devoir lui revenir.
La Cour de cassation a toutefois jugé que la preuve d’un préjudice consécutif à la sous-location n’était pas établie dès lors que la sous-location avait pris fin avant la restitution des locaux et qu’il n’était pas démontré que le montant des loyers versés par le sous-locataire aurait excédé le montant du loyer dû par le locataire principal.
La seule sous-location irrégulière ne constitue donc pas un préjudice en soi, et nécessite que le bailleur intervienne directement auprès de son locataire principal pour obtenir la résiliation du bail et l’indemnisation du préjudice subi, qu’il soit d’ordre matériel ou financier.