Le contrat conclu à distance : de sa qualification à sa sanction lorsque celui-ci est affecté d’un vice (synthèse de l’actualité récente)
1 septembre 2022
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 31 août 2022, n°21-13.080 ; 21-10.075 et 21-12.968
Par trois arrêts rendus le 31 août 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation s’est penchée sur les critères de qualification d’un contrat conclu à distance, et sur les sanctions attachées aux vices contractuels qui peuvent affecter celui-ci.
I. La qualification de contrat conclu à distance
L’article L.221-1 du Code de la consommation définit le contrat conclu à distance de la manière suivante :
« tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur (i), dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance (ii), sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur (iii), par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat (iv) ; »
Il s’agit donc d’un contrat qui n’est pas conclu directement au sein de l’établissement physique du professionnel (magasin, stands, etc.)
Cette qualification emporte l’application des dispositions renforcées du Code de la consommation, dont celles relatives t à l’obligation d’informations précontractuelles du professionnel.
Nous vous renvoyons sur ce point à l’Actu by NMCG du mois de Mai 2022, où sont rappelées les obligations du professionnel dans le cadre d’un contrat à distance (notamment, la délivrance au consommateur, avant la conclusion du contrat, d’une liste complète d’informations claires et compréhensibles (C. consom. art. L 221-5) ; et l’information au plus tard à la conclusion du contrat sur les caractéristiques du produit, son prix et la durée du contrat (Art. L 221-14, code de la consommation).
- La notion de « système organisé de vente ou de prestations de service à distance » : une qualification souple
Cette notion inclut non seulement tous les systèmes de commande en ligne édités par le professionnel, mais également les systèmes proposés par un tiers autre que le professionnel mais utilisés par ce dernier (exemple : une plateforme en ligne).
Cette notion ne devrait cependant pas couvrir les cas où des sites internet offrent uniquement des informations sur le professionnel, ses biens ou ses services ainsi que ses coordonnées, sans offrir la possibilité de passer commande.
L’hésitation de la pratique et de la doctrine sur la définition à donner à cette notion s’explique principalement par une jurisprudence peu étoffée Il s’agit d’ailleurs, à notre connaissance, du premier avis de la Cour de cassation sur ce sujet.
En conclusion, il est important de rappeler aux professionnels et aux consommateurs qu’il n’y a pas de contrat de prestation de services (ici de travaux) conclu à distance sans système organisé.
- Une qualification soumise au respect de plusieurs conditions cumulatives
L’apport de la jurisprudence quant au champ d’application de ces contrats à distance et à la définition de ces notions est également précieux : ainsi, dans le premier arrêt rendu par la Cour de cassation (n°21-13.080), celle-ci vient préciser les conditions permettant à un contrat d’être qualifié comme tel.
En l’espèce, des contrats de travaux ont été conclus afin que soient réalisés dans un appartement des travaux d’aménagement, d’ameublement et de décoration.
Après le règlement de différents acomptes, le professionnel a émis une facture de solde des travaux.
Le consommateur a refusé de régler cette facture, et a assigné l’entrepreneur en nullité du contrat conclu en raison d’un prétendu vice de forme lors de sa conclusion, du fait de l’absence de devis établi avant le début des travaux. Comme rappelé plus haut, la qualification de contrat à distance implique une obligation renforcée pesant sur le professionnel quant aux informations précontractuelles à fournir fournir au consommateur. Ce dernier a, en conséquence, fait une demande en restitution des sommes (selon lui) indûment versées et, subsidiairement, en indemnisation de son préjudice.
La cour d’appel de Douai, le 14 janvier 2021, a rejeté la demande d’annulation des contrats conclus, considérant que les contrats en cause ne pouvaient être qualifiés de contrats à distance. En effet, rien ne permettait de démontrer qu’ils avaient été conclus au titre d’ « un système organisé de vente ou de prestation de services à distance ».
Dans son pourvoi en cassation, le consommateur reproche à la Cour d’appel son raisonnement et soutient que le contrat en cause peut être considéré comme conclu à distance, même en l’absence de ce dernier critère.
La Cour de cassation suit le raisonnement de la Cour d’appel de Douai, et rejette le pouvoir formé. Elle rappelle qu’il est fondamental de démontrer toutes les conditions de l’article L. 221-1 du code de la consommation pour qualifier un contrat à distance, à savoir :
- contrats conclus sans la présence physique simultanée des parties ;
- recours exclusif à des techniques de communication à distance ;
- cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance.
Cet arrêt n’est toutefois pas de nature à diminuer le périmètre d’application des contrats conclus à distance : la notion de « système organisé » par le biais duquel le consommateur a conclu son contrat reste assez large, et la latitude laissée aux parties pour la caractériser l’est tout autant.
II. La sanction du non-respect des conditions de validité du contrat
- Nullité du contrat possible en cas d’absence de mention relative au droit de rétractation
Pour rappel, l’article L. 221-18 du code de la consommation prévoit que le consommateur dispose d’un délai de 14 jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus par le code.
L’article L. 221-20 du code de la consommation dispose que si les informations relatives à ce droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur préalablement à la conclusion du contrat, « le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial ».
Dans un deuxième arrêt (n°21-10.075), la Cour de cassation rappelle les conséquences d’une absence de mention de ces dispositions, dans le cadre d’un contrat conclu hors établissement : le cocontractant peut bénéficier d’une prolongation de douze mois de ce droit, ou invoquer la nullité du contrat litigieux.
Dans ce litige, le preneur sollicitait l’annulation du contrat de location pour défaut de mention des informations relatives au droit de rétractation dans le contrat.
La Cour d’appel de Colmar rejette cette demande, considérant qu’en application des articles précités, seule la prolongation de 12 mois du droit de rétractation est invocable ici, à l’exclusion de toute demande de nullité
Or, et ainsi que le rappelle la Cour de cassation, l’article L. 242-1 du code de la consommation prévoit que « les dispositions des articles L. 221-9 et L. 221-10 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement ».
Aussi, la prolongation du droit de rétraction n’était pas la seule solution qui s’imposait au preneur. Ce dernier pouvait également valablement invoquer la nullité du contrat litigieux.
- Une nullité couverte par la connaissance du co-contractant du vice affectant le contrat
Dans son troisième arrêt (n° 21-12.968), la première chambre civile rappelle que la confirmation d’un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l’affecte.
Ainsi, la confirmation tacite d’un acte nul est subordonnée à une double condition :
- que son auteur ait eu connaissance du vice l’affectant
- et qu’il ait eu l’intention de le réparer.
A ce titre, la Cour de cassation considère dans le cadre d’un contrat conclu hors établissement que la reproduction lisible et intégrale des différents articles du Code de la consommation dans les conditions générales de vente suffit à garantir au consommateur une connaissance des conditions de validité d’un tel contrat, et lui permet ainsi d’identifier les éventuelles irrégularités affectant son propre contrat, et d’en solliciter immédiatement la nullité.
Dès lors, le consommateur qui exécute un contrat vicié en totale connaissance de cause, en confirme le principe et ne peut plus en solliciter la nullité.