Licenciement pour faute et condamnation pénale : la preuve retenue au pénal ne peut pas être contestée devant les prud’hommes
1 octobre 2022
Cass. Soc. 21 septembre 2022 n° 20-16.841
Pour rappel, il est de jurisprudence constante que l’employeur ne peut se prévaloir d’enregistrements vidéo collectés à l’insu des salariés devant les juridictions civiles. L’autorité de la chose jugée au pénal permettrait cependant de déroger à cette règle.
En l’espèce, un salarié portant des coups est filmé à son insu lors d’une altercation. S’appuyant sur l’enregistrement vidéo l’employeur le licencie pour faute grave.
Considérant que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié saisit la juridiction prud’homale.
Le juge pénal le condamne pour violences volontaires, retenant que le mode de preuve est licite.
Constatant que le licenciement s’appuie sur des faits pour lesquels le salarié a été pénalement condamné, la cour d’appel énonce qu’il repose sur une cause réelle et sérieuse.
Le salarié soutient que le mode de preuve qui fonde son licenciement est déloyal et illicite. À ce titre, il est irrecevable devant le juge civil, quelle qu’en soit l’appréciation portée par le juge pénal.
Il forme un pourvoi en cassation.
Un mode de preuve jugé probant par le juge pénal peut-il être contesté devant le juge prud’homal ?
La Cour de cassation répond par la négative. Le salarié ne peut contester, devant la juridiction prud’homale,la licéité d’un mode de preuve jugé probant par le juge pénal. L’autorité de la chose jugée sur le fonds, au pénal s’impose au civil. Cette autorité s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision.
Si le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal est continuellement admise au civil (Civ., 7 mars 1855, Bull. civ., no 31 ; Cass. 1e civ., 24 oct. 2012, no 11-20.442; Cass. 2e civ., 26 oct. 2017, no 16-17.931) la solution ainsi retenue n’en est pas moins inédite en ce qu’elle l’applique à un mode de preuve qui fait polémique en droit du travail en matière de licenciement.
Cette décision est donc très intéressante pour les employeurs puisque si les faits revêtent une qualification pénale, ils pourraient alors se servir, dans le cadre d’un licenciement, d’une vidéo habituellement écartée en droit social et prouvant la faute commise dès lors que la juridiction pénale serait entrée en voie de condamnation sur ce fondement.
Le risque demeure toutefois que le licenciement intervenant généralement au moment du dépôt de la plainte, il sera impossible de s’assurer, par avance, d’une condamnation pénale à venir.