Loi de finances pour 2025
5 mars 2025
Loi de finances pour 2025
Adoptée dans un contexte politique instable, la loi de finances pour 2025 a connu un processus législatif complexe. Après le rejet initial du texte et la chute du gouvernement Barnier en décembre 2024, le gouvernement Bayrou a repris le projet en y intégrant des ajustements. Après plusieurs lectures et un recours à l’article 49-3 de la Constitution, le texte a été définitivement adopté le 6 février 2025, puis partiellement censuré par le Conseil constitutionnel le 13 février 2025. Le texte définitif a été publié au Journal Officiel le 14 février 2025[1].
Focus sur les principales mesures adoptées et les changements apportés au texte initial.
Concernant les ENTREPRISES
Contribution exceptionnelle temporaire sur les bénéfices des grandes entreprises
Une contribution exceptionnelle sur les bénéfices est instituée pour les entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés (« IS ») dont le chiffre d’affaires réalisé en France est supérieur à 1 milliard d’euros au titre de l’exercice au cours duquel la contribution est due ou de l’exercice précédent. Soit les exercices clos les 31 décembre 2025 ou 2024 pour les exercices calés sur l’année civile.
La contribution exceptionnelle sera due au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2025. Initialement, la mesure devait concerner les deux exercices 2024 et 2025, mais en l’absence d’adoption du texte au 31 décembre 2024, l’entrée en vigueur de cette mesure a été décalée d’une année. La contribution concernera uniquement l’exercice clos le 31 décembre 2025 (en l’état actuel des textes).
Elle sera assise sur la moyenne de l’IS dû au titre de l’exercice précédent et de l’exercice au cours duquel la contribution est due, calculé sur l’ensemble des résultats imposables, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
En pratique, pour une société clôturant son exercice le 31 décembre, l’assiette portera sur la moyenne de l’IS dû en 2025 et 2024.
Pour les redevables dont le chiffre d’affaires est inférieur à 3 milliards d’euros, le taux de la contribution sera fixé à 20,6%. Pour les redevables dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 3 milliards d’euros, le taux sera de 41,2%.
Un mécanisme de lissage est prévu pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les seuils d’assujettissement (1 milliard et 3 milliards d’euros) de moins de 100 millions d’euros.
La contribution ne sera pas déductible du résultat. Elle donnera lieu au versement d’un acompte de 98% à payer avec le dernier acompte d’IS, le solde étant dû en même temps que le solde de l’IS.
Contribution spécifique pour les entreprises de transport maritime – taxe « CMA-CGM »
Les entreprises de transport maritime ayant opté pour la taxe au tonnage des navires exploités, et réalisant un chiffre d’affaires au moins égal à 1 milliard d’euros sont soumises à une contribution spécifique « miroir » de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises ci-dessus.
En pratique, cette taxe ne devrait concerner une seule entreprise en France : CMA-CGM.
Nouvelles taxes sur les réductions de capital par rachat puis annulation de leurs propres actions à la charge des grandes entreprises
La loi de finances introduit une taxe pérenne et une taxe temporaire sur les réductions de capital par rachat puis annulation de leurs propres actions par les grandes entreprises.
Ces taxes, d’un taux de 8%, seront dues par les entreprises réalisant un chiffre d’affaires individuel ou consolidé d’au moins 1 milliard d’euros.
L’assiette de ces taxes est le montant de la réduction de capital, majoré d’une fraction des sommes représentant des primes liées au capital.
Elles ne sont pas déductibles du bénéfice imposable à l’IS.
- Taxe pérenne
Cette taxe sera applicable aux opérations réalisées à compter du 1er mars 2025.
Sont soumises les sociétés ayant leur siège en France ayant réalisé au cours de leur dernier exercice clos (ramené à 12 mois) un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 1 milliard d’euros.
Des modalités de calcul sont prévues pour les sociétés membres de consolidations.
Certains organismes et entreprises sont exclus du champ d’application de la taxe (certains OPC et SCR).
Certaines opérations sont exclues (notamment les opérations liées à l’actionnariat salarié).
- Taxe temporaire
Cette taxe sera applicable à l’ensemble des opérations réalisées entre le 1er mars 2024 et le 28 février 2025.
Son champ d’application est identique à celui de la taxe pérenne.
Cependant l’assiette de la taxe temporaire est différente de celle de la taxe pérenne (pour éviter les effets d’aubaine).
Mise en cohérence du régime des fusions
Afin de faciliter les opérations de restructurations d’entreprises au sein de l’UE (fusions, scissions, apports partiels d’actifs) l’ordonnance n°2023-393 du 24 mai 2023 ratifiée par l’article 4 de la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 a prévu de nouveaux cas de fusion ou scission réalisée sans échange de titres, une nouvelle définition de l’apport partiel d’actifs…) sont insérées dans les différents régimes fiscaux applicables. Ces nouvelles mesures étaient applicables depuis le 1er juillet 2023 (date de dépôt du projet au greffe du tribunal de commerce). Cependant, les textes fiscaux n’avaient pas été mis à jour afin de garantir une neutralité fiscale à ces opérations de restructuration.
La loi de finances pour 2025 prévoit certains aménagements nécessaires afin de permettre aux opérations nouvellement créées de bénéficier du régime fiscal spécial/de faveur en matière d’IS.
Plafonnement (temporaire) du droit au report en avant des déficits
Les déficits constatés par les entreprises soumises à l’IS au titre d’un exercice donné sont indéfiniment reportables.
Depuis le 1er janvier 2013 (loi de finances pour 2013), l’imputation des déficits reportables des entreprises sur le bénéfice des exercices ultérieurs est plafonnée à 1 million d’euros, plus 50 % de la fraction du bénéfice excédant ce seuil. Le déficit non imputé reste indéfiniment reportable.
La loi de finances pour 2025 limite le droit au report en avant des déficits des entreprises dont le montant serait supérieur à 2,5 milliards d’euros au titre de trois exercices consécutifs (exercices clos en 2023, 2024 et 2025).
Pour ces entreprises, le déficit excédant 2,5 milliards d’euros au titre du 1er exercice clos au 31 décembre 2025 sera perdu (pas reportable).
Mesures TVA et taxe sur les salaires
Neutralisation du surplus de taxe sur les salaires résultant de la constitution d’un groupe TVA
Cette mesure permet de contrer l’impact négatif en termes de taxe sur les salaires lors de l’adhésion à un groupe TVA (assujetti unique en matière de TVA).
Réforme de la franchise de TVA : abaissement du seuil d’exemption
La loi de finances pour 2024 avait réformé le régime de la franchise en base de TVA, avec application au 1er janvier 2025. Cette modification visait à se conformer à la directive européenne de 2020[2] visant à harmoniser au sein de l’UE les règles applicables aux petites entreprises.
Cette mesure prévoit la baisse des seuils de la franchise en base de la TVA, réduisant significativement le plafond de chiffre d’affaires permettant aux petites entreprises d’être exonérées de TVA. Initialement fixés à 85 000 euros pour les activités commerciales et 37 500 euros pour les prestations de services, ces seuils sont abaissés respectivement à 25 000 euros et 27 500 euros.
La présente loi de finances pour 2025 repousse l’application au 1er mars 2025.
Toutefois, face aux inquiétudes des entrepreneurs et à la pression des organisations professionnelles, le Gouvernement a annoncé le 6 février 2025[3] la suspension temporaire de cette réforme et l’ouverture d’une concertation. Des consultations sont en cours pour ajuster cette disposition, qui pourrait fortement impacter les petites entreprises. A ce jour, les seuils de franchise en base de TVA applicables restent donc inchangés.
Report de la fin de la CVAE et création d’une contribution complémentaire à la CVAE
La CVAE devait disparaître au 1er janvier 2024, puis le 1er janvier 2027. La loi de finances pour 2025 reporte cette suppression à 2030.
Cependant, la loi de finances pour 2025 n’ayant pas été promulguée au 1er janvier 2025, la baisse du barème d’imposition de la CVAE pour l’année 2025, prévue par la loi de finances pour 2024, s’applique.
Afin de neutraliser cette baisse, une contribution complémentaire à la CVAE est appliquée, seulement pour 2025. Cette contribution s’élève à 47,4% de la CVAE.
Aménagement du crédit d’impôt recherche
L’assiette du CIR est « allégée », en ce sens qu’une liste de frais et dépenses ne peuvent plus être pris en compte dans le calcul du CIR.
Cette mesure s’applique à compter du 15 février 2025, lendemain de la promulgation de la loi.
Précisions concernant le taux d’imposition mondial minimal
Certaines précisions sont apportées concernant la mise en œuvre de l’imposition mondiale minimale, ainsi que les règles de répartition de l’impôt complémentaire.
Concernant les PARTICULIERS
Remarque liminaire : la nouvelle taxe de 2% d’imposition minimale des grandes fortunes (taxe « Zucman ») ne fait pas partie des dispositions de la loi de finances pour 2025 et n’est donc pas commentée ci-dessous. Cette taxe est en discussion devant le Parlement à l’heure où nous écrivons.
Nouvelle contribution différentielle sur les hauts revenus (« CDHR »)
Le nouveau gouvernement a fait le choix du maintien de la nouvelle contribution différentielle sur les hauts revenus.
Le but de cette contribution temporaire est d’assurer une imposition minimale de 20% des plus hauts revenus.
Dès lors que le taux moyen d’imposition, pour une année donnée, au titre de l’impôt sur le revenu (IR), de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) ainsi que de certains prélèvements libératoires serait inférieur à 20% du revenu fiscal de référence (RFR), une contribution différentielle est appliquée pour atteindre ce niveau d’imposition.
Cette contribution s’applique aux contribuables domiciliés en France, dont le RFR dépasserait 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple. A noter que le RFR fait l’objet de retraitements spécifiques pour le calcul de la CDHR (ces retraitements sont distincts de ceux à effectuer pour le calcul de la CEHR…).
Un mécanisme de décote est prévu pour atténuer les effets de seuil.
Elle s’applique aux revenus de 2025 et donnera lieu au versement d’un acompte de 95% en décembre 2025 (sur la base d’une estimation du contribuable).
Nouveau cadre pour les management package
La loi de finances instaure un régime fiscal et social applicable aux gains de sortie de management package (nouvel article 163 bis H du CGI), dans un but affiché de clarification.
Champ d’application : le nouveau cadre s’applique aux gains de cession de titres acquis ou distribués à des salariés/dirigeants en contrepartie de leurs fonctions au sein de la société émettrice ou d’une société du groupe auquel la société émettrice appartient (en ce compris les gains de cession de titres attribués dans le cadre de plans réglementés d’AGA (actions gratuites), stock-options et BSPCE).
Principe : imposition du gain net de cession (= prix de cession – prix d’acquisition) des titres comme un salaire, soit :
- Barème progressif de l’IR (jusqu’à 45%), et
- Contribution spécifique de 10%, et
- CEHR (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus), si applicable.
Soit un taux jusqu’à 59%.
L’imposition se fait au titre de l’année au cours de laquelle le bénéficiaire a disposé des titres ou les a cédés.
Exception : une portion du gain de cession des titres peut être imposé comme une plus-value (beaucoup plus favorable), si
- Il existe un risque de perte en capital pour le salarié ou le dirigeant, et
- Les titres sont détenus pendant plus de 2 ans (pas de condition de durée de détention pour les titres acquis ou souscrits dans le cadre d’un plan d’actionnariat salarié réglementé/qualifiant comme AGA, stock-options qualifiées, BSPCE).
Le régime des plus-values s’applique à une portion du gain de cession, dans la limite d’un multiple de performance financière de la société émettrice égal à 3 fois le ratio suivant : valeur réelle de la société émettrice à la date de cession des titres / valeur réelle de la société émettrice à la date d’acquisition /de souscription des titres => si l’entreprise a vu sa valeur croitre de 50% pendant la période de détention du titre, le gain de cession pourra être imposé comme une plus-value de cession dans la limite d’une prise de valeur du titre de 150%; au-delà, le gain de cession sera assimilé à du salaire.
La portion du gain ainsi déterminée est soumise au PFU (prélèvement forfaitaire unique/flat tax) de 30% (soit 12,8% d’IR et 17,2% de prélèvements sociaux), et à la CEHR si elle est applicable.
Soit un taux d’imposition entre 30% et 34%.
Ces nouvelles mesures s’appliquent aux dispositions, cessions, conversions ou mises en location réalisées à compter du 15 février 2025 (lendemain de la promulgation de la loi).
Fiscalité des gains sur BSPCE
En plus de ce qui précède, la loi de finances prévoit spécifiquement pour les BSPCE :
- Interdiction d’inscrire des BSPCE ainsi que les titres souscrits en exercice de ceux-ci sur un PEA à compter du 10 octobre 2024;
- Pour les BSPCE et les titres souscrits en exercice de ces BSPCE à compter du 1er janvier 2025, il faut distinguer un avantage salarial et un gain de cession (alignement sur le régime des management package).
Sécurisation de la notion de résidence fiscale pour les non-résidents
La loi française prévoit dorénavant la primauté de la notion de résidence en droit conventionnel sur celle de domicile fiscal en droit interne.
Ainsi, les personnes physiques ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal en France (au sens du droit interne) lorsque l’application d’une convention fiscale internationale relative à la double imposition ne les considère pas comme résidentes de France.
Le cadre fiscal applicable aux personnes qui, par application des conventions internationales, ne sont pas résidentes fiscales est stabilisé, la loi précisant qu’elles ne seront pas considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens des dispositions du CGI.
Cession d’un bien LMNP : amortissement réintégré dans le calcul de la plus-value
Pour toutes les cessions réalisées à compter du 15 février 2025, les amortissements déduits pendant la période de location du bien viennent majorer la plus-value de cession du bien.
Revalorisation du barème de l’IR
Les tranches du barème de l’IR sont revalorisées à hauteur de l’inflation moyenne des prix à la consommation (hors tabac) en 2024, soit 1,80%. Ce nouveau barème s’appliquera pour l’imposition des revenus 2024.
A signaler également :
- Prorogation de l’abattement retraite (plus-values des particuliers) jusqu’au 31 décembre 2031 ;
- Renforcement de la retenue à la source sur les dividendes (introduction de la notion de bénéficiaire effectif).
[1] Loi n°2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
[2] Directive UE/2020/285 du 18 février 2020.
[3] MINEFI, communiqué n°121, 6 février 2025.