Nullité encourue pour la rupture conventionnelle antidatée
1 octobre 2022
CA Montpellier, 8 janvier 2020 n°16/02955 ; CA Aix-en-Provence, 17 juin 2022 n°18/20412
Pour rappel, la rupture conventionnelle a été créée par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. Il s’agit d’un mode de rupture du contrat de travail d’un commun accord entre le salarié et l’employeur. Elle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties et est exclusive de la démission et du licenciement.
Elle est régie par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail prévoyant que « l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ».
Elle est assortie d’une indemnité de rupture au moins égale à l’indemnité légale de licenciement ainsi que d’une procédure visant à garantir la liberté du consentement des parties.
- Bref rappel des règles en matière de rupture conventionnelle
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article L. 1237-12 du code du travail prévoit que les parties à la rupture conventionnelle conviennent d’un ou de plusieurs entretiens au cours desquels elles ont la faculté de se faire assister.
Les parties établissent ensuite la convention de rupture.
À compter de la date de signature de la rupture conventionnelle, les parties bénéficient d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer leur droit de rétractation. A l’issue de ce délai de rétractation, la partie la plus diligente demande l’homologation à l’autorité administrative.
Sur ce dernier point, deux Cours d’appel ont eu l’occasion de revenir sur une pratique courante en matière de rupture conventionnelle.
- Le non-respect du délai de rétractation : la rupture conventionnelle antidatée
Dans un but d’accélération de la procédure, l’employeur, avec l’accord du salarié ou non, décide d’antidater la signature de la rupture conventionnelle. Cette pratique, empêchant l’application du délai de rétractation de quinze jours dont le salarié perd le bénéfice, remet en cause la validité de la convention.
Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 8 janvier 2020, l’employeur indiquait que la convention de rupture avait été conclue le 25 février 2013. Or, le formulaire Cerfa de rupture et le protocole de rupture conventionnelle n’avaient été envoyés pour la première fois par le cabinet conseil de l’employeur à ce dernier que le 13 mars 2013. Le même jour, le formulaire et le protocole étaient envoyés au salarié. La cour d’appel a constaté que ces documents n’ont pu être remplis et signés par le salarié que le 13 mars 2013 au plus tôt. Elle en a déduit que la demande d’homologation envoyée par l’employeur à l’administration le 18 mars 2013 n’était pas intervenue dans le délai légal : en effet, elle a été envoyée avant l’expiration du délai de rétractation de quinze jours. La Cour d’appel de Montpellier a donc conclu à l’annulation de la convention de rupture.
Dans un autre arrêt rendu plus récemment par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 17 juin 2022, les faits étaient sensiblement similaires : le 28 juillet 2017, l’employeur avait convoqué oralement son salarié à un entretien devant se dérouler le 31 juillet 2017. Lors de cet entretien, les parties se sont accordées sur la rupture du contrat de travail et ont signé le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle lequel a été antidaté au 13 juillet 2017. La convention de rupture mentionnait que le premier entretien avait eu lieu le 13 juillet et que le délai de rétractation expirait le 31 juillet. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé que la date mentionnée sur le formulaire Cerfa était erronée, ne permettant pas au salarié d’exercer son droit de rétractation lequel a pris fin le jour où la convention a été signée. À ce titre, elle a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle au regard du consentement vicié du salarié lequel n’a pas disposé de la possibilité d’exercer son droit de rétractation.
Les deux décisions rendues par les juges du fond s’inscrivent dans la position adoptée par la Cour de cassation laquelle sanctionne par la nullité la convention de rupture dont la date de signature, non mentionnée, est incertaine ne permettant pas de déterminer le point de départ du délai de rétractation (Cass. Soc. 27 mars 2019, n°17-23.586). La Cour de cassation estime également que la convention de rupture est nulle si au jour de sa signature, le délai de rétractation est déjà expiré (Cass. Soc., 19 oct. 2017, n°15-27.708).