Ordre de virement transmis par un salarié victime d’une escroquerie au président

La Cour de cassation écarte la responsabilité de la banque en l’absence d’anomalie apparente des ordres de virement litigieux.

 

Cour de cassation – Chambre commerciale – 2 mai 2024 – 22-18.454

 

Faisant application des critères caractérisant l’existence d’une anomalie apparente sur des virements, la Cour de cassation écarte la responsabilité de la banque dans le cadre d’une escroquerie au président et en déduit que la cause exclusive du dommage subi par la société résultait de la faute du préposé qui avait transmis les ordres de virement litigieux.

 

Dans la continuité de notre article paru en début d’année 2024 sur la fraude dite « d’escroquerie au président », la Haute Juridiction est venue enrichir au mois de mai 2024 l’important contentieux dont elle fait l’objet.

Alors que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 22 novembre 2023 étudié en janvier 2024 avait constaté un manquement de la banque à son obligation de vigilance, cette fois-ci, la Cour de cassation, en se fondant sur les mêmes faisceaux d’indices, a considéré que la faute revenait exclusivement au préposé de la société victime, écartant par conséquent toute responsabilité de la banque.

Pour rappel, « l’escroquerie au président » ou « fraude au président » consiste pour l’escroc à usurper l’identité d’un tiers, généralement le dirigeant ou le représentant d’une société, afin de demander à un salarié de ladite société, d’effectuer un ou plusieurs virements vers un compte bancaire.

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation objet de l’arrêt du mois de mai 2024, une salariée d’une société (attachée de direction) a transmis entre février 2017 et mars 2017 cinq ordres de virements internationaux émanant de la société pour une somme totale de 850.684,07 euros.

Ces ordres de virement désignaient comme bénéficiaires des sociétés domiciliées en République populaire de Chine.

L’escroquerie ayant été découverte, la société a assigné la banque en restitution des sommes prélevées au motif que ces ordres comportaient une fausse signature, étaient accompagnés de factures falsifiées et avaient été établis en l’absence du dirigeant, par une salariée, elle-même victime de cette fraude.

La Cour de cassation retient la position de la Cour d’appel de Toulouse qui, par un arrêt en date du 18 mai 2022, avait constaté l’absence de responsabilité de la banque à son devoir de vigilance.

Le devoir de vigilance est l’obligation pour la banque de faire preuve de prudence et de diligence dès lors que l’opération révèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle soit par les documents fournis, soit de la nature de l’opération elle-même ou encore du fonctionnement du compte.

En l’espèce, pour caractériser l’absence de manquement de la banque, la Cour de cassation a estimé que les ordres litigieux ne comportaient aucune anomalie apparente qui aurait obligé la banque à procéder à des vérifications particulières dans la mesure où :

  • Les cinq ordres de virement litigieux ont été établis sur du papier en tête de la société.
  • La signature apposée sur les ordres de virement ne présentait aucune différence significative par rapport à celle apposée sur la carte nationale d’identité du dirigeant dont une copie était détenue par la banque, peu importe l’ancienneté de ce document. (ce qui est différent de l’arrêt commenté en janvier 2024 où les juges avaient retenu une anomalie matérielle affectant la signature du payeur pour retenir la responsabilité de la Banque).
  • Les ordres de virement ont été transmis à la banque par une préposée de la société, attachée de direction, qui était l’interlocutrice habituelle de l’établissement et que la Banque avait contacté par téléphone pour confirmation des ordres. (A l’inverse, dans l’arrêt étudié en janvier 2024, la Cour d’appel de Paris avait eu une approche plus stricte s’agissant de l’authenticité de l’ordre de virement, considérant que la préposée n’ayant pas pouvoir de mouvement sur le compte mais seulement de transmettre les ordres de paiement à la banque, avec un plafond de validation limité, la banque aurait dû procéder à un contrôle auprès de la personne habilitée à donner l’ordre de paiement et à le signer.)
  • Chaque ordre de virement était accompagné d’une facture du fournisseur de nature à établir la régularité de l’opération.
  • Le montant cumulé des ordres de virement ne dépassait pas les capacités de la société. (A l’inverse, La Cour d’appel de Paris, dans l’arrêt étudié en janvier 2024, avait conclu que « la réitération des ordres de virement en cause, de montants importants et comparables, donnés sur une courte période, caractérisait un fonctionnement anormal du compte ».)

 

Par conséquent, seule l’étude au cas par cas des situations dans lesquelles les opérations de paiement ont été ordonnées en présence d’une fraude au président permet aux juges de retenir une éventuelle responsabilité de la Banque teneur de compte, au regard de l’authenticité des ordres de virement et des éventuelles anomalies apparentes les affectant.

 

Ainsi, si la Cour de cassation écarte tout manquement de la banque dans l’arrêt rendu le 5 mai 2024, elle relève en revanche la faute de la salariée qui avait recueilli dans des conditions suspectes la signature du dirigeant et avait transmis à la banque des ordres de virement en y joignant des factures établies pour les besoins, qu’elle savait fausses.

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