Pas de délit de harcèlement moral sans conscience d’avoir contribué à la dégradation des conditions de travail
21 avril 2022
Cass. crim. 22-2-2022 n° 21-82.266 F-D
Le harcèlement moral est défini à l’article 222-33-2 du Code pénal comme « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Par ailleurs, pour que le harcèlement moral soit caractérisé il est nécessaire de réunir les éléments constitutifs de celui-ci : un élément matériel accompagné d’un élément intentionnel.
La Cour de cassation s’est prononcée récemment sur cette seconde exigence.
En l’espèce, une salariée, médecin du travail, s’est suicidée en laissant des éléments accusant son employeur de harcèlement moral et de non-respect de la législation sociale à son égard. Sa famille et plusieurs syndicats professionnels ont déposé plainte, estimant que la surcharge de travail imposée avait conduit à sa dépression puis à son suicide. La juridiction pénale a ainsi été saisie.
Les juges du fond vont toutefois débouter les demandeurs et considérer que bien que la charge de travail était globalement importante, la direction se montrait compréhensive et n’imposait aucune pression particulière à ces médecins.
Saisie, la Haute juridiction confirme la position des juges du fond dans un arrêt du 22 février 2022. En effet, bien que l’association ait su que sa salariée acceptait régulièrement des attributions supplémentaires sans allégement compensatoire, il n’y avait chez elle aucune conscience d’aboutir à une dégradation de ses conditions de travail. Ainsi, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, les juges d’appel ont légitimement pu retenir l’absence de tout élément intentionnel de la part de la direction de l’association et de son président.
Dès lors, si la surcharge de travail peut constituer l’élément matériel du délit de harcèlement moral, elle ne qualifie pas l’élément moral dès lors que l’employeur n’a pas conscience de commettre un tel harcèlement.
Cet arrêt permet d’ancrer la nuance entre les agissements qui ont pour effet une dégradation des conditions de travail, des agissements qui ont pour objet cette dégradation. Lorsque les agissements ont pour objet de dégrader les conditions de travail, l’élément intentionnel peut être caractérisé par la volonté particulière du prévenu d’agir en ce sens. Il reste pour autant nécessaire que le prévenu ait conscience que ses agissements sont susceptibles d’avoir pour effet une telle dégradation susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer la santé physique et mentale ou de compromettre l’avenir professionnel du salarié concerné.