Pas de licenciement pour un motif non listé par la Convention collective !

En principe, le licenciement peut être décidé par l’employeur pour un motif inhérent à la personne du salarié ou pour un motif qui lui est étranger, lié à des considérations d’ordre économique. Dans tous les cas, ce dernier est contraint par une exigence légale : le motif doit nécessairement reposer sur une cause réelle et sérieuse (articles L. 1232-1 et L. 1233-2 du Code du travail).

Par ailleurs, au-delà de ces dispositions légales, la Cour de cassation admet que « les conventions et accords collectifs peuvent limiter les possibilités de licenciement aux causes et conditions qu’ils déterminent et qui ne rendent pas impossible toute rupture du contrat de travail » (Cass. soc. 24 octobre 1995, n° 93-45.926 ; Cass. soc. 3 décembre 2002, n° 00-46.055). Autrement dit, certaines dispositions conventionnelles peuvent restreindre les motifs de licenciement que peut invoquer l’employeur.

Par un arrêt du 10 janvier 2024 (Cass. soc. 10 janvier 2024, n° 22-19.857), la Cour de cassation apporte une nouvelle illustration en la matière.

Revenons-y :

  1. Les faits de l’espèce

Dans cette affaire, une salariée exerçant la fonction de responsable de l’unité contrôle sureté au sein d’une entreprise appliquant la Convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (CCNTU) a été licenciée pour insuffisance professionnelle.

Cette dernière a saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement estimant qu’il était dénué de cause réelle et sérieuse.

Déboutée de l’ensemble de ses demandes en première instance, elle obtient gain de cause devant la cour d’appel saisie du litige. Les juges d’appel ont, en effet, considéré que le motif tiré de l’insuffisance professionnelle de la salariée n’était pas visé par la CCNTU. En effet, le texte ne prévoit pas, pour les agents titulaires, de rupture du contrat de travail pour un autre motif que disciplinaire, économique ou pour inaptitude. Dès lors, le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle, motif non prévu par la CCNTU, était sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur a donc formé un pourvoi en cassation en soutenant :

  • d’une part, que les dispositions de l’article 17 de la CCNTU énonçant que «les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave sur avis motivé du conseil de discipline » ne sont applicables qu’en matière de licenciement pour motif disciplinaire ­;
  • d’autre part, que si, la CCNTU comporte des dispositions portant sur le licenciement disciplinaire, le licenciement économique ou la rupture du contrat « par suite de réforme (régime CAMR), d’invalidité reconnue par la sécurité sociale ou d’inaptitude à la conduite reconnue», ces dispositions n’ont pas pour effet de limiter les causes de licenciement à ces seuls motifs.

 

  1. La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur et approuve l’arrêt d’appel.

Selon les juges :

« les conventions et accords collectifs de travail peuvent limiter les possibilités de licenciement aux causes et conditions qu’ils déterminent et qui ne rendent pas impossible toute rupture du contrat de travail ».

En l’occurrence, concernant les cas de rupture, la CCNTU prévoit expressément :

  • le licenciement seulement pour faute grave des agents titulaires (art. 17) ;
  • la modification des conditions d’exploitation, la démission et le licenciement collectif (chap. VII) ;
  • la rupture du contrat de travail par suite de réforme, d’invalidité reconnue par la sécurité sociale ou d’inaptitude à la conduite reconnue (art. 62).

Ces dispositions conventionnelles constituent donc une limitation du droit de licencier en faveur du salarié de sorte qu’il « ne peut être licencié, indépendamment d’un motif disciplinaire, que pour les motifs limitativement énumérés ». Le licenciement pour insuffisance professionnelle a donc été déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur ce point, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence. Elle avait déjà pu juger que « le licenciement prononcé pour un motif autre que ceux conventionnellement prévus n’est pas nul mais seulement dépourvu de cause réelle et sérieuse en l’absence de disposition conventionnelle prévoyant expressément cette nullité » (Cass. soc. 14 octobre 1997, n° 97-40.033).

  1. La portée de cette décision

Cette décision incite à la prudence avant d’entamer une procédure de licenciement.

En pratique, il conviendra d’être particulièrement vigilant et de vérifier si des restrictions existent, comme évoqué ci-avant.

Sur ce sujet, il est également important d’être attentif au règlement intérieur en vigueur ainsi qu’aux éventuelles clauses de garantie d’emploi qui seraient inscrites dans les contrats de travail.

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