Portrait d’avocat : Arnaud Blanc de la Naulte
30 juin 2023
Après avoir été fondé par vous et 3 autres associés, le cabinet NMCG va fêter ses 15 ans, quels sentiments cela vous procure ?
Je me retourne rarement en arrière, je laisse cela pour bien plus tard. Par conséquent, si j’ai conscience d’avoir, parmi tant d’autres, fait évoluer notre Cabinet dans le bon sens (en tout cas je l’imagine ainsi), au prix d’un travail effréné, c’est le présent et l’avenir qui m’importent : comment toujours mieux faire ? Une exigence certes éreintante au quotidien, mais on ne se refait pas, et elle constitue mon ADN. Nous avons encore beaucoup de choses à réaliser, de grandes comme de petites, avec toujours d’importants efforts à fournir, mais c’est à ce prix que l’on pourra alors, à terme, jeter un œil dans le rétroviseur et commencer à laisser poindre, peut-être, une certaine satisfaction d’avoir accompli ce que l’on avait pour objectif. Nous n’y sommes pas encore.
Quels souvenirs gardez-vous de vos années d’études ?
La réponse tient en 3 mots : Aix-en-Provence. Qui a étudié dans cette ville magnifique en comprendra tout le sens. Je n’oublierai par ailleurs pas les rencontres que j’ai pu y faire, la bienveillance de certains professeurs qui lisent en vous de manière incroyable et savent vous pousser dans le bon sens, mais aussi les prémices de l’Actu puisqu’à cette époque j’avais créé mon premier journal à la faculté, qui occupait la dernière semaine avant publication… 60h de mon temps. Ce fut passionnant et j’en retiens un aussi bon souvenir que mon passage sur les bancs de la fac d’Aix, magique l’été avec ses rosiers.
Avez-vous observé des changements ou des évolutions significatives dans les conseils que vous prodiguez aux clients en matière de droit du travail et de protection sociale ces dernières années ?
Nos conseils ne varient pas puisqu’ils vont toujours dans le même sens : répondre à la demande du client, devancer ce qui peut l’être, assurer sa sécurité juridique. Notre adaptation tient juste des modifications incessantes des textes ou des jurisprudences, que nous devons nous efforcer de prévoir, dans toute la mesure du possible. L’heure actuelle est par exemple à la nullité du licenciement systématiquement demandée. Il convient donc de l’avoir en tête dans toute procédure qui peut s’engager. Hier, c’était le cas des heures supplémentaires. Demain ? Le télétravail sans aucun doute. Il y aurait tant d’autres sujets à évoquer ici, techniques (car tout n’est pas contentieux, il y a aussi le conseil qui est un angle très important de nos interventions) comme pratiques, mais je risque de devenir ennuyeux.
Dans un monde où la communication joue un rôle de plus en plus important, considérez-vous qu’il soit devenu essentiel pour un cabinet d’avocats d’investir dans un service de communication, comme vous l’avez fait chez NMCG ?
Bien que la situation soit rarement présentée ainsi, un Cabinet d’avocats n’est autre qu’une entreprise à part entière. Pour vivre, elle a besoin de ressources, d’une bonne administration, d’une gestion solide, et bien évidemment de clients fidèles. Nous considérons toutefois de notre côté que l’équation ne peut être complète sans une communication intelligente, utile. Et ce n’est pas chose facile, car si nous estimons avoir beaucoup de choses passionnantes à raconter, nous avons conscience de pouvoir être rapidement noyés parmi l’ensemble des messages quotidiens auxquels nous sommes tous confrontés, dans la rue, sur nos smartphones, au travers de nos applications, dans nos mails, etc. Il faut donc trouver un juste équilibre pour apporter la bonne information, au bon moment. C’est un véritable travail qui nécessitait la création de notre département communication, qui œuvre de manière remarquable chaque jour par son investissement, ses envies, sa compréhension du métier. In fine, toute entreprise qui estime œuvrer dans le bon sens peut légitimement considérer utile de le rappeler. C’est notre cas. Qui pour savoir d’ailleurs que nous nous sommes engagés dans une démarche RSE depuis 18 mois avec notre pré-rapport en ligne ces derniers jours, et l’ensemble de nos engagements explicités, si nous ne communiquons pas à ce sujet ? Qui pour savoir encore que notre département social a un taux de réussite de 65% tous dossiers confondus et 70% de salariés déboutés dans le cadre de contestation de licenciement, si nous n’en parlons pas ?
Malgré vos plus de 20 ans d’expérience, maintenez-vous toujours une attitude d’apprentissage continu dans le domaine juridique ?
Bien sûr, notre métier l’impose. J’encourage d’ailleurs toujours mon équipe à me challenger lorsqu’elle n’est pas d’accord sur un sujet. Mes collaborateurs, tout comme mon associée Sonia, ne s’en privent pas, croyez-moi ! C’est la première source de formation continue extraordinaire, surtout lorsqu’on a de la chance, comme c’est mon cas, d’être entouré d’une équipe très motivée et enthousiaste à l’idée de trouver « la » solution. Dans notre métier, il ne faut pas craindre d’être en apprentissage tout au long de sa vie.
En outre, il n’échappera à personne que le droit social est un droit plus que vivant, qui ne cesse de se renouveler tant au niveau des textes que des jurisprudences, parfois totalement aberrantes comme nous le soulignons régulièrement au sein de notre Actu. Donc si l’on n’est pas en mesure d’accepter de remettre ses connaissances en jeu de manière quotidienne, avec une certaine forme d’excitation (et parfois de fatigue, ne le cachons pas), il est préférable de ne pas choisir ce métier.
Et le droit pénal alors, vous pouvez nous en dire un mot ?
Et le droit pénal alors, vous pouvez nous en dire un mot ? Ce fut une véritable réflexion lorsque j’ai débuté dans ce métier il y a plus de 20 ans. Le pénal m’attirait fortement, mais j’ai eu la chance d’obtenir ma première collaboration dans l’un des 5 plus grands Cabinets français en droit social, ce que je ne pouvais refuser. J’ai toutefois exercé cette passion au titre de mon activité personnelle avec des dossiers tous plus intéressants les uns que les autres, outre la découverte de la vie des commissariats la nuit au travers de nombreuses gardes à vue réalisées durant 2 années, les discussions avec procureurs et magistrats hors audience, la terrible pression ressentie lorsque vous savez agir pour le bien (tout mis en examen n’est pas coupable je le rappelle) mais qu’il faut en convaincre le tribunal ou la Cour, avec votre client qui joue potentiellement une partie de sa vie. La matière pénale, dans le domaine judiciaire, est par ailleurs un fabuleux outil pour former un avocat à se présenter devant toute sorte de juridiction, tant la pression y est grande, outre l’urgence de certains dossiers, comme la comparution immédiate, qui exigent de trouver, dans l’instant, arguments et moyens afin de parvenir à emporter la conviction des juges. Raison pour laquelle j’incite mes jeunes collaborateurs à plaider dans ce domaine dès que nous avons des dossiers le permettant. C’est extrêmement formateur et cela les renforce pour se présenter ensuite mieux armés devant les juridictions sociales. Aujourd’hui, le pénal que nous exerçons, à quelques exceptions près (et pas des moindres puisque ce sont des dossiers audiencés sur plusieurs jours ou semaines) reste principalement en lien avec le droit social, au travers des accidents du travail, des PV d’infraction rédigés par l’inspection du travail, des entraves, et de bien d’autres sujets. Bref du social toujours, mais avec une lecture pénale, ça n’en est que mieux pour nos clients employeurs.
Quelles sont les leçons les plus importantes que vous avez tirées de votre métier ?
Qu’il faut sans cesse remettre le cœur à l’ouvrage. Que rien n’est jamais perdu. Il m’est parfois arrivé de vivre un match de tennis avec un 6/0 5/0 contre moi et de littéralement retourner les choses par un argument faisant chavirer le magistrat en notre faveur. Et je pourrais vous dire la même chose de mon équipe, tant elle est remarquable de qualité et de pugnacité à ce sujet, avec un taux de succès très élevé ! C’est un métier très exigeant où vous emportez votre travail dans votre tête en permanence, weekend et vacances comprises, mais passionnant. Chaque jour, nous sommes confrontés aux innombrables difficultés de nos clients auxquelles il faut trouver la meilleure clef de notre trousseau d’idées. Et lorsque cela fonctionne dans le sens exact qui était recherché, quelle satisfaction intense ! C’est aussi un métier qui exige une remise en cause régulière. L’homme forge l’avocat, mais l’avocat approfondi l’homme.
Comment votre passion pour le tennis a-t-elle influencé ou nourri votre approche en tant qu’avocat, et quels parallèles voyez-vous entre ces deux domaines ?
Je viens d’en donner un exemple concret dans la question qui précède. Mais si je peux entrer un peu plus dans le détail, je dirai que comme pour le joueur de tennis, l’avocat est seul avec lui-même. De ses actions, de ses paroles, comme de coups de raquettes et de déplacements maitrisés sur un court, peuvent jaillir une victoire magnifique, comme un échec qui peut profondément nous affecter, alors même que nous avons travaillé sans relâche pour l’emporter. Tout comme un tennisman, même en cas de succès, nous nous interrogeons : aurais-je pu mieux faire encore ? La nuance demeure qu’en matière contentieuse, notre partie ne se joue pas avec un seul adversaire face à nous, mais face à 2 protagonistes : le confrère et le magistrat. Ce qui rend la partie d’autant plus excitante.