Précisions de la Cour de cassation sur la renonciation au mandat de DS

Le délégué syndical doit être choisi en priorité parmi les élus et candidats ayant obtenu au moins 10% des suffrages aux dernières élections. Ceux-ci peuvent néanmoins renoncer à ce mandat.
Aux termes de deux arrêts rendus le 19 avril 2023 (Cass. soc. 19 avril 2023, n° 21-60127 et 21- 23348), la Cour de cassation est venue apporter des précisions intéressantes sur deux questions :
• la renonciation est-elle requise de la part d’un candidat qui n’est pas à jour du paiement de
ses cotisations syndicales ?
• la renonciation au mandat vaut-elle pour tout le cycle électoral ?

RAPPEL DES RÈGLES DE DÉSIGNATION D’UN DS

Rappelons qu’il résulte de l’article L. 2143-3 du Code du travail qu’un syndicat représentatif dans l’entreprise ou l’établissement d’au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, peut désigner un ou plusieurs délégués syndicaux en priorité parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au CSE.

Ce syndicat peut toutefois désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au CSE :
• si aucun des candidats présentés par l’organisation syndicale aux élections professionnelles n’a recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections au CSE
• ou s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit cette condition de score électoral
• ou si l’ensemble des élus qui remplissent cette condition ont renoncé par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical.

1ère affaire : Un salarié qui n’est pas à jour de ses cotisations syndicales peut-il être désigné comme délégué syndical ? (Cass. Soc. 19 avril 2023 n° 21-60127)

  • Les faits

Dans cette 1ère affaire, le syndicat CGT avait présenté, lors des dernières élections professionnelles en 2018, 4 candidats ayant recueilli au moins 10% des suffrages. Le 7 septembre 2020, il désignait toutefois un adhérent comme délégué syndical comme le lui permettait le Code du travail, au motif que, parmi les 4 candidats ayant recueilli le score électoral requis par la loi :
• 2 n’étaient plus salariés,
• le 3ème avait quitté son mandat syndical pour un mandat au CSE,
• le 4ème n’avait pas versé de cotisations depuis plus de deux ans, la CGT ayant alors estimé qu’il avait ainsi renoncé à son activité syndicale.
Le Tribunal judiciaire de Nîmes n’a pas suivi l’argumentation du syndicat, et a annulé la désignation, estimant que la condition posée par le syndicat quant au paiement des cotisations « n’était pas une condition légale à retenir ».

  • Selon la Cour de cassation, le non-paiement des cotisations syndicales peut valoir renonciation au mandat

La Cour de cassation va néanmoins casser cette décision et renvoyer l’affaire devant le Tribunal judiciaire de Montpellier, aux motifs que :
« En se déterminant ainsi, alors que le syndicat qui ne dispose plus de candidats en mesure d’exercer un mandat de délégué syndical à son profit peut désigner l’un de ses adhérents conformément aux dispositions de l’article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail, le tribunal, qui n’a pas recherché, comme il était soutenu, si M. [P] avait renoncé à l’activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus de deux ans à l’union locale, n’a pas donné de base légale à sa décision. ».

À l’appui de sa décision, la Cour de cassation se réfère à l’un de ses précédents arrêts du 26 mars 2014 aux termes duquel elle avait jugé que lorsque les onze candidats de la liste aux dernières élections ne cotisent plus depuis plus d’une année à l’organisation syndicale en cause ou ne sont plus dans les effectifs de la société, il en résultait que le syndicat ne disposait plus de candidats en mesure d’exercer un mandat de délégué syndical à son profit, de sorte qu’il pouvait désigner valablement un adhérent qui n’avait pas été candidat aux dernières élections (Soc., 26 mars 2014, pourvoi n° 13-20.398).

Compte tenu de cette motivation, et de sa décision du 26 mars 2014 qu’elle vise expressément dans son arrêt, il est fort probable que le Tribunal judiciaire de renvoi se prononcera en faveur d’une validation de la désignation litigieuse.

A fortiori car dans son avis précédant l’arrêt, l’avocat général a indiqué qu’à son sens, dès lors que le syndicat peut démontrer que le salarié, candidat à l’élection et ayant obtenu 10% des voix, n’est plus membre du syndicat – ce qui est le cas en l’absence de paiement des cotisations – le syndicat n’est pas tenu de le désigner.

Il en résulte donc pour la Cour de cassation que le non-paiement des cotisations syndicales par un salarié équivaut à une renonciation au mandat, un écrit n’étant dès lors pas nécessaire. 8

Une telle solution – qui apparaît logique en pratique – ne peut qu’être saluée par les praticiens. Nous attendrons néanmoins avec intérêt la décision du Tribunal judiciaire de renvoi, qui devrait, selon nous, suivre l’avis de l’avocat général, eu égard à la motivation retenue par la Haute Cour.

2ème affaire : La renonciation au mandat de DS est-elle définitive pour tout le cycle électoral ? (Cass. Soc. 19 avril 2023 n° 21-23348)

  • Les faits

Dans cette seconde affaire, une candidate Mme [W], qui avait obtenu plus de 10 % des suffrages à la suite des élections des membres du CSE, avait été désignée déléguée syndicale régionale. Elle avait néanmoins renoncé à cette désignation par écrit quelques mois plus tard, le 8 juin 2020 et, dès le 9 juin suivant, le syndicat avait désigné l’une de ses adhérentes pour la remplacer.

Le 30 juin 2021, le syndicat désignait cependant à nouveau Mme [W] comme déléguée syndicale régionale au sein du même établissement, en remplacement d’un autre délégué syndical régional.

L’employeur a alors saisi le Tribunal judiciaire d’une demande d’annulation de la désignation, au motif que la renonciation au droit d’être désigné délégué syndical valait pour tout le cycle électoral.

Demande rejetée par le Tribunal judiciaire, ce dernier considérant qu’en l’absence de précision de la loi dans un sens ou dans un autre, la renonciation d’un salarié à être désigné délégué syndical ne valait qu’à l’occasion d’une désignation tout en perdurant tant que la personne qui y a procédé ne revenait pas dessus.

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation.

  • La Cour de cassation confirme que la renonciation d’un candidat n’est pas définitive

Alors que la Société soutenait, à l’appui de son pourvoi, « que la renonciation d’un salarié, qui a présenté sa candidature aux dernières élections professionnelles et a obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés, à être désigné délégué syndical est définitive et vaut, en conséquence, pour toute la durée du cycle électoral restant à courir jusqu’aux prochaines élections » et « que ce dernier ne peut donc revenir sur sa renonciation et être ultérieurement désigné à nouveau en qualité de délégué syndical », la Cour n’a pas suivi ce raisonnement.

La Chambre sociale précise ainsi pour la 1ère fois que « la renonciation par l’élu ou le candidat, ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, au droit d’être désigné délégué syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner un adhérent ou un ancien élu en application de l’alinéa 2 de l’article L. 2143-3 précité, n’a pas pour conséquence de priver l’organisation syndicale de la possibilité de désigner ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l’auteur de la renonciation en qualité de délégué syndical ».

Elle valide ainsi la décision du Tribunal « qui a constaté que Mme [W] était revenue sur sa renonciation du 8 juin 2020 à son droit d’être désignée déléguée syndicale en manifestant son souhait d’être désignée en cette qualité lors de la fin d’un mandat et qu’elle remplissait toujours les conditions pour être désignée ».

Selon la Cour de cassation, un salarié peut donc revenir sur sa renonciation à un mandat au cours du même cycle électoral.

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