Projet de loi visant à adapter le droit interne au droit de l’Union européenne
1 décembre 2022
Actualité du 20 décembre 2022
Un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (UE) a pour objectif de transposer ou permettre de rendre conforme le droit français à des Directives et Règlements que l’UE a adoptés ces trois dernières années.
Ce projet de loi a été adopté par le Conseil des Ministres le 24 novembre dernier, puis par le Sénat le 14 décembre 2022 et doit désormais être examiné par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale courant janvier 2023. Si ce texte concerne plusieurs domaines, seules les dispositions insérées ou modifiées dans Code du travail sont analysées ici :
- L’information du salarié lors de l’embauche améliorée
L’article 4 de la Directive 2019/1152 du 20 juin 2019 a étendu la liste des informations à transmettre au travailleur lors de son embauche, ce que nous avions d’ailleurs évoqué lors de notre actu du mois de septembre 2022.
En effet, dans la mesure où aucune transposition en droit français n’avait été faite, les dispositions du Code du travail devaient être interprétées à la lumière des exigences de cette Directive depuis le 1er août 2022.
Pour mémoire, nous évoquions dans notre actualité, les éléments nouveaux suivants :
–> les informations doivent désormais être transmises aux salariés, mais aussi aux stagiaires, aux apprentis et aux travailleurs des plateformes de mise en relation ;
–> les informations devant être transmises de manière écrite et individuelle par l’employeur sont, en sus de l’identité des parties, lieu de travail, le poste (titre, grade, qualité ou catégorie d’emploi), la date de début du contrat, la durée du congé payé et des délais de préavis, la rémunération (montant de base, éléments constitutifs, périodicité et mode de versement), et les conventions et accords collectifs applicables, :
– la durée et les conditions de la période d’essai,
– le droit à la formation,
– la procédure complète à respecter en cas de rupture de la relation contractuelle (délai de préavis…),
– l’identité des organismes de sécurité sociale percevant les cotisations de sécurité sociale et la protection sociale fournie par l’employeur (incluant la couverture par les régimes complémentaires).
Aussi, concernant les contrats temporaires, il conviendra de mentionner la date de fin ou la durée prévisible de la relation de travail, y compris pour les CDD, et l’identité des entreprises utilisatrices pour les contrats de travail temporaire.
Il est prévu également des délais réduits de transmission, puisque depuis le 1er août 2022 :
– les informations relatives à l’identité des parties, au lieu de travail, au poste, aux dates de début et de fin de la relation de travail, à la durée de la période d’essai, à la rémunération et à la durée du travail doivent être transmises au travailleur sous la forme d’un ou de plusieurs documents, durant la première semaine de travail (délai de 7 jours calendaires) ;
– les autres informations doivent être en revanche fournies dans un délai d’1 mois à compter du premier jour de travail.
La transposition en droit français attendue sera désormais bientôt chose faite ! En effet, le projet de loi prévoit d’insérer un nouvel article L 1221-5-1 dans le Code du travail, aux termes duquel l’employeur devrait remettre au salarié un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail.
Seraient toutefois exemptés de cette obligation les employeurs de salariés en CDD et en contrat à temps partiel dont la durée de travail n’excède pas 3h/semaine ou ne dépasse pas 4 semaines consécutives dans l’année, à condition qu’ils utilisent le chèque emploi-service universel (Cesu).
Le salarié n’ayant pas reçu ces informations ne pourrait toutefois saisir le Juge compétent pour les obtenir, seulement après avoir mis en demeure son employeur de lui communiquer les documents requis ou, le cas échéant, de compléter les documents fournis.
Un décret devrait fixer les modalités d’application de cet article, notamment la liste des informations devant figurer dans le ou les documents d’information. À défaut de précision particulière sur ce point, ces dispositions entreraient en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel (en pratique, cette entrée en vigueur serait subordonnée à la parution du décret) et elles s’appliqueraient aux contrats conclus à compter de cette date.
Le texte prévoit en revanche pour les salariés dont le contrat de travail est en cours à la date de promulgation de la loi, que ces informations ne leurs seraient fournies qu’à leur demande.
- Une obligation d’information consolidée des salariés sous contrats précaires quant aux postes disponibles en CDI
Il est rappelé que l’actuelle rédaction des articles L 1242-17 et L 1251-25 du Code du travail prévoit que cette information est conditionnée à l’existence, dans l’entreprise, d’un tel dispositif pour les salariés bénéficiant d’un CDI.
Le projet de loi prévoit que l’employeur devrait, à la demande du salarié titulaire d’un CDD justifiant dans l’entreprise d’une ancienneté continue d’au moins six mois, l’informer des postes en CDI à pourvoir au sein de l’entreprise (modification de l’article L.1242‑17 du Code du travail).
Là aussi, un décret sera nécessaire pour en fixer les modalités d’application – ce qui, en pratique, subordonnera l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions.
Le même dispositif serait appliqué pour les salariés intérimaires en contrat de mission (modification article L.1251-25 du Code du travail).
- Des ajustements liés la durée de la période d’essai
Pour mémoire, les dispositions du Code du travail prévoient actuellement une durée maximale de la période d’essai des cadres de 8 mois, étant précisé que cette durée peut être inférieure lorsqu’un accord collectif ou le contrat de travail le prévoit ou supérieure à 8 mois lorsqu’un accord de branche signé avant le 25 juin 2008 le prévoit.
Cette disposition se confronte avec l’article 8 de la Directive 2019/1152 qui prévoit une durée maximale de période d’essai de six mois, sauf exceptions « lorsque la nature de l’emploi le justifie ou lorsque cela est dans l’intérêt du travailleur ».
Mais, la France a fait le choix d’activer la disposition de l’article 14 de la directive 2019/1152 permettant aux Etats membres d’ « autoriser les partenaires sociaux à conserver, négocier, conclure et appliquer des conventions collectives, conformément au droit national ou à la pratique nationale, qui, tout en respectant la protection globale des travailleurs, établissent des modalités concernant les conditions de travail des travailleurs qui diffèrent de celles visées aux articles 8 à 13 » .
Toutefois, l’étude d’impact, réalisée dans le cadre de ce projet de loi, précise que le Code du travail doit néanmoins être adapté afin « de circonscrire le dépassement des six mois de période d’essai des cadres aux seuls huit mois prévus par l’article L.1221-21 du code du travail ».
C’est dans ces conditions que le texte prévoit la suppression du second alinéa de l’article L.1221-22 qui permet actuellement à des accords de branches conclus avant le 25 juin 2008 de prévoir des durées de périodes d’essai supérieures aux maxima fixées par l’article L.1221-21 du code du travail.
Ces dispositions entreront en vigueur six mois après la promulgation de la loi, pour laisser le temps aux partenaires sociaux de revoir les accords de branche concernés.
- Les congés familiaux
Le projet de loi prévoit une modification de l’article L.1225‑47 du Code du travail pour permettre aux parents ne disposant pas d’un emploi au moment de la naissance ou de l’adoption de l’enfant de bénéficier d’un congé parental d’éducation.
Il prévoit, en sus, que lorsqu’un salarié à temps plein passe à temps partiel dans le cadre d’un congé parental d’éducation, l’indemnité de licenciement doit être calculée sur la base du temps plein.
Le projet de texte tend également à modifier l’article L.1225-54 du Code du travail, pour préciser cette disposition ne vaut que pour le congé parental à temps plein : « La durée du congé parental d’éducation à temps plein est prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son l’ancienneté« .
Par ailleurs, il complète l’article L.1225-65 en vue d’élargir le bénéfice du maintien des droits acquis, au congé de présence parentale.
S’agissant du congé de paternité et d’accueil de l’enfant, le projet de loi introduit un nouvel article L.1225‑35‑2 qui assimile ce congé à une période de travail effectif pour la détermination des droits liés à l’ancienneté.
Aussi, les périodes de congé de paternité ont été ajoutées parmi les périodes de congé assimilées à une présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation entre salariés.
Cette mesure rejoint finalement une disposition de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, incluant le congé de paternité parmi les périodes assimilées à une présence en entreprise pour le calcul de l’intéressement.
Enfin, le Code du travail et le Code de l’action sociale et des familles seront aussi modifiés pour permettre l’extension du congé de proche aidant et du congé de solidarité familiale aux salariés du particulier employeur.
Ces nouvelles règlementations plus protectrices pour le salarié, et qui rentreront en vigueur dans les prochaines semaines et / ou prochains mois, vont nécessiter une adaptation de l’employeur qui devra redoubler de vigilance !