Quid de la responsabilité civile du salarié en cas d’infraction pénale
5 mars 2025
Quid de la responsabilité civile du salarié en cas d’infraction pénale
Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 janvier 2025 (Cass. crim. 14-1-2025 no 24-81.365 F-B), publié au Bulletin, illustre l’autonomie du droit pénal par rapport aux principes du droit social, notamment en matière de responsabilité du salarié envers son employeur.
Un accident sous l’emprise de stupéfiants : les faits de l’affaire
Dans cette affaire, un salarié a été reconnu coupable d’avoir conduit un véhicule de l’employeur sous l’emprise de cannabis, en récidive, et à une vitesse excessive, causant un accident et endommageant le véhicule. Le tribunal correctionnel l’a condamné à indemniser l’employeur pour le préjudice matériel subi.
Contestant cette décision, le salarié a fait appel, estimant que sa responsabilité pécuniaire envers l’employeur ne pouvait être engagée qu’en cas de faute lourde ou d’infraction intentionnelle, et que l’absence de telles caractéristiques devait priver l’employeur de toute indemnisation.
La décision de la Cour de cassation : une responsabilité sans faute lourde
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, estimant que la condamnation pour infraction pénale suffisait à engager la responsabilité du salarié, sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute lourde ou une intention de nuire. Ainsi, l’autonomie du droit pénal permet à l’employeur d’obtenir réparation sans démonstration de l’intentionnalité du salarié.
Droit social et droit pénal : des régimes distincts
En droit social, la responsabilité civile du salarié envers son employeur est strictement encadrée : elle ne peut être engagée qu’en cas de faute lourde caractérisée par une intention de nuire (Cass. soc. 23-9-1992, Cass. soc. 12-4-1995, Cass. soc. 6-5-2009). Cette protection vise à éviter que les salariés ne supportent les risques liés à l’exploitation de l’entreprise.
Cependant, en droit pénal, le principe de réparation intégrale du préjudice prime. L’article 2 du Code de procédure pénale permet à toute personne ayant subi un dommage du fait d’une infraction de demander réparation, sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute lourde (Cass. crim. 25-2-2015, Cass. crim. 14-11-2017).
Conséquences pratiques pour les employeurs et les salariés
Cet arrêt souligne l’importance pour les employeurs de connaître les recours possibles en cas de préjudice causé par un salarié et pour les salariés de mesurer les risques financiers encourus, même sans faute lourde. En effet, une infraction pénale peut donc permettre à l’employeur d’être indemnisé de ses préjudices ce qu’il peut être tenté d’abandonner pensant à tort devoir établir le prérequis habituel en droit social, de la faute lourde de son salarié.
L’autonomie du droit pénal peut ainsi représenter une voie de recours efficace pour l’employeur.