Responsabilité pénale de la société absorbante dans le cadre d’une fusion-absorption
4 novembre 2024
- Fusion-absorption et responsabilité pénale
La fusion-absorption se définit comme l’opération par laquelle une société au moins (la « Société Absorbée ») transmet son patrimoine à une société existante (la « Société Absorbante »), moyennant l’attribution aux associés de la Société Absorbée de titres de la Société Absorbante, et, éventuellement, d’une soulte en espèces n’excédant pas 10 % de la valeur nominale des titres attribués (C. com., art. L. 236-1, al. 4).
Attribution de titres de
Transmission Universelle du la Société Absorbante
Patrimoine +
Soulte
Les condamnations pénales dont a fait l’objet la Société Absorbée sont consécutives à l’exercice de son activité. La Société Absorbée n’étant pas dissoute à l’issus de l’opération de fusion-absorption, la continuité économique et fonctionnelle de la personne morale implique de ne pas considérer la Société Absorbante comme une entité distincte de la Société Absorbée. Les sanctions pénales, principalement financières (amendes), qui lui ont été infligées avant l’opération peuvent ainsi être transférées à la Société Absorbante à l’occasion de la transmission universelle du patrimoine de la Société Absorbée.
- Arrêt de la Cour de cassation (Cass. Crim., 22 mai 2024, no23-83180)
La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 mai 2024, a retenu qu’une société à responsabilité limitée (SARL) absorbante peut être condamnée à une peine d’amende ou de confiscation à raison d’infractions imputables à la SARL absorbée avant l’opération de fusion, et cela en l’absence de fraude à la loi et en dehors de l’application de la directive européenne n° 2017/1132 du 14 juin 2017 applicable aux sociétés de capitaux
La Cour de cassation soutient que le principe de personnalité des peines est inapplicable du fait de la continuité économique et fonctionnelle des SARL dans le cadre des fusions-absorptions.
Cet arrêt reprend la solution posée par le célèbre arrêt du 25 novembre 2020 (Cass. Crim., 25 nov. 2020, no 18-86.955) dans lequel la Cour de cassation avait permis le transfert de la responsabilité pénale d’une société anonyme (SA) absorbée à une SA absorbante et l’applique, pour la première fois, aux SARL.
L’arrêt du 22 mai 2024 de la chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi étendu la possibilité de transférer automatiquement la responsabilité pénale dans les opérations de fusion-absorption intervenant entre SARL, et ne limite plus ce transfert aux sociétés par actions.
Ce faisant, le transfert de la responsabilité pénale de la société absorbée à la société absorbante est désormais possible sans condition dans les opérations de fusions-absorptions intervenant entre les sociétés de toute forme juridique quelle que soit la date de l’opération.
Arrêt du 25 novembre 2020 | Arrêt du 22 mai 2024 |
Distinction selon la forme sociale et la date de l’opération
1. La transmission de la responsabilité pénale est possible pour les sanctions financières (amendes, confiscations) (i) lorsque l’opération a été conclue postérieurement au 25 novembre 2020 (ii) entre des sociétés entrant dans le champ des dispositions de l’article 19, paragraphe 1, de la directive n° 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, codifiées à l’article 105, paragraphe 1, de la directive (UE) n° 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés (iii), à savoir les sociétés de capitaux (SA et SAS).
2. Pour les autres sociétés (telles que les SARL), quelles que soient leurs formes et la date de l’opération, la transmission ne s’opère qu’en cas de « fraude à la loi », c’est-à-dire si la fusion-absorption a été réalisée spécialement en vue de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale.
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Généralisation du transfert automatique de responsabilité
La responsabilité pénale de la société absorbée se transmet sans condition à la société absorbante, indépendamment de la forme sociale de ces sociétés et de la date de l’opération. |
Dans les fusions-absorptions, le(s) dirigeant(s) de la société absorbante devraient être particulièrement attentif(s) aux sanctions pénales prononcées à l’encontre de la société dont l’absorption est envisagée, ou encourues par cette dernières en raison de faits commis avant l’opération, dès lors que le transfert de responsabilité pénale est possible à l’issue de l’opération même en l’absence de fraude.
Il convient de noter que seule la responsabilité de la personne morale est transmise. La responsabilité pénale des dirigeants de la société absorbée n’est pas concernée par ce transfert.
Enfin, les cas de responsabilités pénales susceptibles d’être transmis sont divers dans la mesure où les infractions ayant été à l’origine de cette responsabilité peuvent relever de différents domaines à savoir le droit pénal général, de l’environnement, des affaires, le droit pénal social ou fiscal.