SAS : les délibérations d’associés prises en violation […]
31 mars 2023
Cass., Com, 15 mars 2023, n°21-18.324
Dans son arrêt du 15 mars 2023, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence, en considérant que les délibérations d’associés d’une SAS prises en violation des statuts pourront être annulées, lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
1. Le cadre légal
L’article L235-1 du Code de commerce encadre les nullités des actes ou délibérations des sociétés, en considérant que la nullité d’un acte ou d’une délibération ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du livre II du Code de commerce, ou des lois qui régissent les contrats (alinéa 2).
Par ailleurs, l’article L227-9 du Code de commerce dispose que les statuts d’une SAS déterminent les conditions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient.
Son deuxième alinéa précise que les attributions dévolues aux assemblées générales des sociétés anonymes sont, dans les conditions fixées par les statuts, exercées collectivement par les associés.
Enfin, le quatrième alinéa prévoit que les décisions prises en violation des dispositions de cet article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.
2. Les faits
En l’espèce, par un protocole d’accord, la SAS Larzul, ayant pour associé unique la société Vectora, accueille deux nouveaux associés : la société UGMA et son associé unique la société FDG.
Aux termes de ce protocole, deux séries d’opérations ont été convenues. D’une part, des apports au bénéfice de la société Larzul, dont celui en nature du fond de commerce de la société UGMA et un apport en numéraire de la société FDG. D’autre part, une cession par Vectora d’une partie de ses actions au bénéfice de la société FDG.
Par des délibérations du 30 décembre 2004, la SAS approuve l’opération d’apport ainsi que l’augmentation de capital subséquente.
Un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 annule toutefois les délibérations de l’associé unique de la SAS en date du 30 décembre 2004, et constate la caducité du traité d’apport.
Invoquant la privation de ses droits d’associé depuis le 3 avril 2012, la société cessionnaire assigne la SAS en annulation de toutes les assemblées générales ordinaires et extraordinaires de cette société et de toutes les décisions collectives en résultant à compter de cette date.
La Cour d’appel déclare recevables les demandes du cessionnaire tendant à l’annulation des délibérations des assemblées générales du cédant, postérieures à la date du 19 janvier 2013, ainsi que le solde de ses demandes, au motif que les délibérations ont été prises en méconnaissance des statuts.
Le cédant se pourvoi en cassation au moyen que la nullité des actes ou délibérations pris par les organes d’une société commerciale ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du livre II du Code de commerce ou des lois qui régissent les contrats, et que la violation des statuts d’une SAS n’est pas sanctionnée par la nullité des délibérations.
3. L’avis de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, et soutient que l’alinéa 4 de l’article L227-9 du Code de commerce doit être lu comme visant les décisions prises en violation de clauses statutaires stipulées en application du premier alinéa, permettant à tout intéressé d’en demander l’annulation lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
La Cour opère alors un revirement de jurisprudence. Il était en effet de jurisprudence constante que la nullité des actes ou délibérations prises par les organes d’une société commerciale ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du livre II du Code de commerce ou des lois qui régissent les contrats, et que le non-respect des statuts n’est pas sanctionné par la nullité de la délibération (Com 18 mai 2010, n°09-14.855).
Toutefois, elle considère que l’organisation et le fonctionnement de la SAS relèvent essentiellement de la liberté statutaire. Il en découle que le respect des dispositions statutaires qui déterminent les décisions devant être prises collectivement par les associées, et les conditions dans lesquelles elles doivent l’être, est essentiel au bon fonctionnement de la société et à la sécurité de ses actes.