Un pacte d’actionnaires conclu […] un engagement à durée déterminée
28 février 2023
Cass., 1ère Civ, 25 janvier 2023, n°19-25.478
Dans son arrêt du 25 janvier 2023, la Cour de cassation reconnaît la possibilité de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie de la société, sans que les parties ne puissent y mettre fin unilatéralement.
1. Le cadre légal
Conformément à l’article 1134 du Code civil, les conventions tiennent de loi à ceux qui les ont faites, et elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Pour autant, les articles 1210 et 1211 du même code prohibent les engagements perpétuels, de sorte que chaque contractant peut y mettre fin, le cas échéant, à condition de respecter le délai de préavis contractuellement prévu, ou à défaut, un délai raisonnable.
2. Les faits
En l’espèce, les actionnaires d’une SAS concluent un pacte d’actionnaires le 30 janvier 2010 pour la durée de la vie de la société, soit pour le temps restant à courir jusqu’à l’expiration des 99 années à compter de son immatriculation au RCS.
Il prévoit également que le terme sera tacitement renouvelé pour la nouvelle durée de la société éventuellement prorogée, et qu’à l’occasion de chaque renouvellement, les parties pourront dénoncer le pacte pour ce qui les concerne, en notifiant leurs cocontractants avec un préavis de six mois.
Par acte du 23 février 2017, deux actionnaires notifient la résolution unilatérale du contrat. Le troisième actionnaire les assigne, considérant la résiliation irrégulière et inefficace.
La Cour d’Appel de Paris rejette sa demande dans un arrêt du 15 décembre 2020, considérant que le pacte, dont la durée est calquée sur la durée de vie d’une société, avait une durée excessive assimilable à une durée indéterminée. En effet, la société a été immatriculée au RCS le 24 janvier 1969, et ne prendra fin que le 24 janvier 2068, date à laquelle les parties auront 79 et 96 ans.
La Cour d’appel de Paris reconnaît donc la possibilité pour les parties de le résilier unilatéralement, sous réserve d’un abus en l’espèce non établi.
L’appelant se pourvoit alors en cassation au moyen que le pacte a été conclu pour une durée déterminée, celle de la société, et que ses cocontractants ne pouvaient pas résilier unilatéralement le contrat.
3. L’avis de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, et soutient que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas la conclusion d’un pacte d’actionnaires pour la durée de la vie de la société, sans que les parties ne puissent y mettre fin unilatéralement.
Un pacte d’actionnaires conclu pour la durée de vie maximale d’une société, soit 99 ans, constitue donc un engagement à durée déterminée.
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Attention donc lors de la rédaction d’un pacte d’actionnaire !
Le pacte doit être conclu pour une durée déterminée, qui peut être subordonnée à la durée de vie de la société.
À défaut, le pacte pourra être résilié unilatéralement par les parties, en vertu de la prohibition des engagements perpétuels.