Un trouble anxio-dépressif peut suspendre la prescription de l’action en contestation du licenciement
28 avril 2023
Cass. soc. 25 janvier 2023 n° 21-17.791 F-D, Sté Lyreco France c/ J.
Pour mémoire, avant l’entrée en vigueur de l’article 2234 du Code civil consacré par la loi du 17 juin 2008, la Chambre sociale de la Cour de cassation s’appuyait sur l’adage « contra non valentem agere non currit praescriptio » pour considérer que l’état de santé du salarié pouvait caractériser un cas de force majeure.
C’est ainsi que, notamment, la Cour de cassation avait approuvé la Cour d’appel d’avoir homologué l’expertise médicale et retenu que l’état de santé du salarié, consécutif à un accident, l’avait mis pendant 9 ans dans l’impossibilité d’effectuer la moindre démarche en sa propre faveur et qu’il s’était trouvé empêché de déclarer à la caisse son accident du travail dans les 2 ans de l’événement, la prescription ayant été suspendue (Cass. soc. 13 février 1964 n°63-10.274 P).
Depuis le 19 juin 2008, il existe donc un fondement textuel prévoyant que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant soit de la loi, soit de la convention, soit de la force majeure (article 2234 du Code civil).
L’arrêt rendu par la Chambre sociale de la plus Haute Juridiction le 25 janvier dernier est une rare illustration de la suspension de la prescription de l’action en contestation du licenciement pour force majeure (Cass. soc. 25 janvier 2023 n° 21-17.791 F-D, Sté Lyreco France c/ J.).
En l’espèce, une salariée est hospitalisée au mois de juillet 2015, à savoir un plus d’un an après son entrée en fonction, et ce, au titre d’un épuisement professionnel selon les termes de son médecin psychiatre. Quelques semaines après avoir repris le travail, elle est licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec AR du 2 novembre 2015. Le même jour, elle informe son employeur qu’elle a été victime d’un accident de travail.
Postérieurement à son licenciement, la salariée accomplit des démarches pour faire reconnaître l’existence d’un accident du travail et pour contester la décision de refus de prise en charge de cet accident par la CPAM. Au mois de février 2016, elle écrit à l’employeur pour, d’une part, contester la date d’effet de son licenciement et, d’autre part, demander sa réintégration.
Puis, ce n’est que le 2 février 2018, soit deux ans et trois mois après son licenciement, qu’elle saisit la Conseil de prud’hommes d’une contestation de son licenciement.
La question se posait alors de savoir si son action était prescrite, ce à quoi la Cour de cassation répond par la négative en rejetant le pouvoir de l’employeur !
Pour ce faire, la plus Haute juridiction a constaté que la salariée était confrontée à une force majeure démontrée par le fait qu’elle avait été hospitalisée à compter du mois de juillet 2015 avec d’importants troubles anxio-dépressifs, justifiés par des certificats médicaux, qui l’avaient empêché d’agir, entrainant ainsi la suspension de la prescription de l’action.
Cette décision illustre, une nouvelle fois le fait, qu’en matière de prescription, peu importe le délai, ce qui est très important, c’est de :
- fixer avec précision le point son départ,
- s’assurer que ce délai court.
Cette décision, même s’il s’agit d’un cas rare, peut toutefois amener à penser qu’il convient de redoubler de vigilance en matière d’actions menées par des salariés ayant des lourds risques psychosociaux ou encore reprochant à leur employeur d’avoir commis des agissements de harcèlement moral à leur encontre…