Restrictions de concurrence, attention aux abus (ROLEX & MARIAGE FRERES) !

Aux termes d’une décision en date du 19 décembre 2023 (Décision n° 23-D-13 du 19 décembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de montres de luxe), l’Autorité de la concurrence sanctionne la société Rolex France SAS, en tant qu’auteure, la société Rolex Holding SA et la fondation Hans Wilsdorf, en tant qu’entités mères, et la société Rolex SA en tant que société ayant exercé une influence déterminante sur la société auteure, pour avoir mis en œuvre une entente verticale visant à interdire la vente en ligne des montres Rolex par ses distributeurs agréés, pratique contraire aux articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.

Cette décision fait suite aux saisines, en janvier 2017, de l’Union de la Bijouterie Horlogerie et de la société Pellegrin & Fils, et à des opérations de visite et saisie réalisées le 17 janvier 2019.

En premier lieu, il était fait grief à Rolex France SAS d’avoir pris part à une entente généralisée avec ses distributeurs visant à interdire la vente via Internet.

En second lieu, il était fait grief à Rolex France SAS d’avoir mis en œuvre une entente généralisée avec ses distributeurs, pour fixer le prix de vente au détail des montres de la marque Rolex.

Au titre du premier grief notifié, l’Autorité a considéré que l’entente verticale visant à interdire la vente en ligne des montres de marque Rolex était caractérisée, en l’espèce, par les stipulations du contrat de distribution sélective liant Rolex France SAS à ses distributeurs et par l’acceptation par ses distributeurs agréés de ne pas vendre ces produits sur Internet.

L’Autorité a, en outre, estimé que cette interdiction constituait une restriction de concurrence par objet à la lumière du contexte économique et juridique dans lequel elle s’inscrivait.

Elle a notamment relevé que l’ensemble des fabricants concurrents de Rolex dont les contrats de distribution sélective ont été analysés autorisaient la vente en ligne par leurs distributeurs agréés, et que l’objectif, invoqué par Rolex France SAS, consistant à lutter contre la contrefaçon et le commerce parallèle, pouvait être atteint par des moyens moins restrictifs de concurrence.

En conséquence, l’Autorité a infligé une sanction pécuniaire de 91.600.000 euros à Rolex France SAS, solidairement avec ses entités mères et Rolex SA.

Au titre du second grief notifié, l’Autorité a estimé que les éléments du dossier ne permettaient pas de démontrer que Rolex France SAS avait invité ses distributeurs à restreindre leur liberté tarifaire, ni que les distributeurs auraient, le cas échéant, acquiescé à cette invitation.

L’Autorité a conclu, en conséquence, que la pratique visée par le second grief notifié n’était pas établie et a prononcé un non-lieu de ce chef.

En résumé, l’Autorité de la concurrence a jugé que l’interdiction de la vente en ligne des montres Rolex par ses distributeurs constitue une restriction de concurrence par objet, violant ainsi les règles de concurrence. Ce type de restriction est considéré comme particulièrement grave, car elle empêche l’accès des consommateurs à un canal de vente important. L’Autorité a estimé que cette pratique n’était pas nécessaire pour préserver l’image de marque de Rolex et lutter contre la contrefaçon, surtout compte tenu de l’existence de programmes de vente en ligne de montres d’occasion certifiées par Rolex elle-même.

 

Cette décision intervient quelques jours après la condamnation de la société Mariage Frères sur un thème similaire (Décision 23-D-12 du 11 décembre 2023).

Mariage Frères a en effet été condamnée par l’Autorité de la concurrence à une amende de 4 millions d’euros pour avoir entravé la liberté commerciale de ses distributeurs.

Cette sanction fait suite à des pratiques qui duraient depuis environ 15 ans, incluant l’interdiction pour les distributeurs de vendre en ligne les produits Mariage Frères et de les revendre à d’autres revendeurs.

Ces restrictions ont limité la concurrence et cloisonné les marchés.

Mariage Frères justifiait ces interdictions par la préservation de l’image de prestige de ses produits, mais l’Autorité a jugé que ces pratiques constituaient une entente anticoncurrentielle.

En conclusion, dans les secteurs où les ventes en ligne connaissent une forte croissance, l’interdiction de commercialiser les produits concernés sur Internet est de nature à restreindre le développement de l’activité des distributeurs et les droits des consommateurs.

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